les collectivités dressent le bilan de vingt ans d’« échec » de plans de prévention pour protéger les populations


Le 21 septembre 2001, l’explosion de l’usine AZF, à Toulouse, entraînait la mort de 31 personnes, en blessait plus de 2 500 et provoquait de lourds dégâts matériels. Cette catastrophe a rappelé que la France n’était pas à l’abri d’un accident industriel majeur et conduit à l’élaboration de la loi du 30 juillet 2003 sur la prévention des risques technologiques. Des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) ont été instaurés dans les territoires accueillant des installations à haut risque dites « Seveso seuil haut » dans le but d’améliorer la protection des populations. Vingt ans après, l’heure est au bilan. Et il est cinglant. Un « échec », juge Amaris, le réseau national des collectivités exposés aux risques industriels, dans un rapport publié mardi 19 septembre et auquel Le Monde a eu accès.
« Vingt ans après le vote de la loi instaurant des PPRT, cet outil n’a produit que très peu d’effets », regrette Alban Bruneau, président d’Amaris et maire de Gonfreville-l’Orcher, commune de Seine-et-Marne où est installée la plus grande raffinerie de France, propriété de TotalEnergies. Raffineries, mais aussi complexes chimiques ou sidérurgiques, sites de stockage de produits extrêmement dangereux… 378 PPRT (concernant les 400 sites Seveso seuil haut existant en 2003, contre 700 en 2023) sont aujourd’hui en vigueur. Ils touchent 800 communes, s’appliquent à des milliers d’entreprises et impactent la vie d’environ 9 millions de personnes (habitants et travailleurs), rappelle l’association qui a mené l’enquête auprès de ses adhérents. Pour les 300 autres sites Seveso seuils haut, de simples règles d’urbanisme s’appliquent désormais aux collectivités.
Certes, les PPRT ont contribué à réduire les risques à la source, reconnaît Amaris, mais ils n’ont pas permis d’éviter le gigantesque incendie de Lubrizol et Normandie logistique qui a plongé l’agglomération rouennaise dans la stupeur le 29 septembre 2019. Pour le reste, la liste des « échecs patents » est longue. Les collectivités soulignent que la protection des riverains dans leurs logements était le « principal objectif » des PPRT. Elle est aujourd’hui le « principal raté », jugent-elles. Trente mille personnes sont toujours exposées à des risques industriels dans leurs habitations, selon les estimations de l’Amaris.
Cent quatre-vingt-neuf PPRT ont prescrit des travaux de mise en sécurité (pose de vitrage ne se fragmentant pas sous l’effet d’explosion, aménagement de locaux permettant le confinement…) pour près de 16 000 logements privés. A peine 25 % ont été réalisés. La faute à des aides insuffisantes, plafonnées à 20 000 euros ou 10 % de la valeur vénale du bien, pénalisant les propriétaires des habitations les plus modestes : « Les PPRT ont creusé les inégalités face aux risques. » Limitées à huit ans, les aides (dont 40 % de crédit d’impôt) vont s’éteindre progressivement à partir de 2024 et ne pourront pas bénéficier aux 75 % restant, regrette l’Amaris, qui déplore un « désengagement de l’Etat ».
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