les distributeurs n’ont pas dit leur dernier mot



Le texte, qui vise à rééquilibrer les négociations commerciales entre distributeurs et fournisseurs, adopté en commission mixte paritaire la semaine dernière, doit être soumis au vote mercredi. Les distributeurs espèrent encore que les lignes bougent. 

La messe n’est peut-être pas dite pour le projet de loi Descrozaille. “On n’est pas forcément totalement en bout de course”, explique Boris Ruy, avocat directeur associé au cabinet Fidal, le gouvernement pouvant encore “faire valoir un certain nombre d’amendements” avant le vote, qui est prévu pour mercredi. Le gouvernement aurait exprimé “un certain nombre de réserves” sur le projet de loi après son adoption par les députés et les sénateurs en Commission mixte paritaire, la semaine dernière.

Une intervention de l’exécutif serait le scénario idéal pour les distributeurs, farouchement opposés à un projet de loi qu’ils jugent “irresponsable” et “inflationniste”. En cause, surtout, l’article 3, qui permet à un fournisseur de rompre purement et simplement une relation commerciale en cas de désaccord sur le prix. “C’est inconstitutionnel”, fulmine un responsable du secteur, qui dénonce aussi l’extension aux produits d’hygiène et de beauté du plafonnement des promotions à 34%. Il souhaite, a minima, un compromis sur le plafonnement des promotions.

“Il faut qu’on trouve quelque chose qui soit applicable, pourquoi pas 50%, ce serait déjà mieux”, explique-t-il. Il espère aussi qu’il y ait “un délai d’application, par exemple pour la rentrée prochaine”, alors que les négociations annuelles viennent tout juste de se terminer et que les contrats viennent d’être signés.

Une sanction de Bruxelles?

Dans leur combat, les distributeurs français ont reçu ces derniers jours le soutien d’EuroCommerce, la Fédération européenne du secteur, qui pointe du doigt aussi l’article 1 de la proposition de loi, sur les centrales d’achats basées à l’étranger. Il est écrit qu’en ce qui concerne “toute convention entre un fournisseur et un acheteur portant sur des produits ou services commercialisés sur le territoire français” (…) “tout litige [portant sur leur application] relève de la compétence exclusive des tribunaux français, sous réserve du respect du droit de l’Union européenne et des traités internationaux ratifiés ou approuvés par la France et sans préjudice du recours à l’arbitrage.”

Aux yeux de Christel Delberghe, Directrice générale d’EuroCommerce, “la première partie de cet article est en contradiction totale avec le marché intérieur, qui permet aux entreprises de bénéficier d’économies d’échelle, au bénéfice des consommateurs.” Elle estime qu’il est “irresponsable d’empêcher les distributeurs de faire jouer leur rôle de négociateur au profit du consommateur”, d’autant plus dans cette période de forte inflation. Elle s’inquiète, plus largement, de l’accumulation de règles sur la grande distribution, en France, et d’un “protectionnisme qui est en train, selon elle, d’appauvrir un secteur énormément créateur d’emplois et qui a besoin de se transformer.”

Dans les faits, cet article 1 ne va pas changer grand-chose, tempère l’avocat Boris Ruy, spécialisé en conseil et contentieux de la concurrence et de la distribution. Le texte, rappelle-t-il, dit que “Tout litige (…) relève de la compétence exclusive des tribunaux français, sous réserve du respect du droit de l’Union européenne et des traités internationaux ratifiés ou approuvés par la France et sans préjudice du recours à l’arbitrage”. En clair : la loi Descrozaille “vient mettre un garde-fou”, mais elle “ne peut pas déroger aux principes de l’Union européenne” et l'”on continuera, d’après lui, de voir des accords soumis au droit étranger.”

Plafonnement des promotions

En revanche, toujours selon cet expert, le plafonnement des promotions à 34%, élargi aux produits d’hygiène et de beauté, pourrait poser problème au niveau européen, puisque les promotions sont encadrées par une directive européenne qui date de 2005. Il pourrait aussi y avoir un “problème de conformité” sur le seuil de revente à perte, après que la Cour européenne a jugé ces dernières années que les SRP espagnol et belge n’étaient pas conformes au droit de l’Union européenne.

“À un moment, la Commission européenne va finir par dire (à la France) que c’est contraire à une série de règles”, lâche un responsable de la grande distribution, pour qui « Bruxelles commence à trouver que cela fait beaucoup” et pourrait “demander des explications.” Une remarque qui sonne comme un coup de pression sur l’exécutif avant le vote de la proposition de loi.



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