Les divorcés remariés peuvent-ils communier ?
Que dit précisément l’Église sur les personnes divorcées remariées ? Sont-elles toujours interdites de communier ou de se confesser ? Le sujet, très débattu à Rome il y a une dizaine d’années lors du Synode sur la famille, est un peu sorti de l’actualité. Comme éclipsé. Il est pourtant l’un de ceux qui permettent de comprendre comment s’élabore une nouvelle norme sous le pontificat de François. En trois étapes.
«La logique de l’intégration est la clé du soin pastoral pour (…) les personnes divorcées et remariées », a rappelé le pape lundi 25 novembre, à l’occasion d’un discours à la communauté académique de l’Institut théologique pontifical Jean-Paul-II. « Leur présence dans l’Église témoigne de la volonté de persévérer dans la foi, malgré les blessures des expériences douloureuses », a dit François, citant à plusieurs reprises Amoris lætitia, l’exhortation apostolique qu’il a publiée le 19 mars 2016, en conclusion du Synode sur la famille.
Étape 1 : l’appel au discernement.
Dans le chapitre VIII, point 300, de cette exhortation, le pape – qui refuse alors de livrer « une nouvelle législation générale du genre canonique, applicable à tous les cas » – écrit : « Les prêtres ont la mission d’accompagner les personnes intéressées sur la voie du discernement selon l’enseignement de l’Église et les orientations de l’évêque. » Mais qu’est-ce que cela change concrètement ?
Étape 2 : l’interprétation locale
Le 5 septembre 2016, les évêques de la région de Buenos Aires, l’ancien diocèse de Jorge Mario Bergoglio, livraient leur interprétation de ce passage, en publiant leurs « critères de base pour l’application du chapitre VIII d’Amoris laetitia ».
Dans ce document, les évêques argentins rendent possible au terme d’un accompagnement l’accès à la communion et à la confession pour les personnes divorcées remariées, tout en insistant sur l’importance « d’accompagner la communauté (paroissiale) pour qu’elle grandisse dans un esprit de compréhension et d’accueil, sans que cela implique de créer de la confusion dans l’enseignement de l’Église à propos du mariage indissoluble».
Étape 3 : la validation papale
Mgr Sergio Alfredo Fenoy, délégué de la région pastorale de Buenos Aires, a écrit au pape pour lui présenter ces nouveaux critères. Dans sa réponse, François juge que « le document est très bon et explicite entièrement le sens du chapitre VIII d’Amoris Laetitia. Il n’y a pas d’autres interprétations. Et je suis sûr qu’il fera beaucoup de bien.»
Dans un rescrit pontifical (équivalent d’un décret) du 5 juin 2017, signé du secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, on lit : « Le souverain pontife décrète que les deux documents qui précèdent (les critères des évêques argentins et la lettre du pape, NDLR) seront publiés sur le site Internet du Vatican et dans les Acta Apostolicae Sedis (le journal officiel du Saint-Siège) comme magistère authentique.» Une nouvelle norme est née. Plus besoin d’en rajouter.
En 2023, la question des divorcés remariés était d’ailleurs retirée du document de travail du Synode sur la synodalité. « Certaines des questions qui ont émergé de la consultation du peuple de Dieu concernent des sujets sur lesquels il existe déjà un développement magistériel et théologique auquel se référer», précisait l’Instrumentum laboris, citant « l’accueil des divorcés remariés, sujet traité dansl’exhortation apostolique post-synodale Amoris laetitia ».
Reste l’étape la plus importante : la traduction concrète. À l’issue de l’audience lundi 25 novembre, dans la salle Clémentine du Palais apostolique, un petit groupe de Français engagés dans l’accompagnement des personnes divorcées – au sein des associations Chrétiens divorcés, chemins d’espérance, Sedire Lyon et du réseau Sedire de la Mission de France – a remis au pape un livre d’or contenant une cinquantaine de témoignages. « Aujourd’hui, il n’y a rien à attendre de plus (en matière de normes venues du Vatican) », pense Nathalie Mignonat, de Sedire Lyon. Le sujet, dit-elle, est désormais entre les mains du sensus fidei, le « sens de la foi » des baptisés. Sur le terrain.