les États-Unis se dirigent-ils vers des troubles post-électoraux ?
En cas de résultats défavorables à Donald Trump mardi 5 novembre au soir, il est fort probable que les États-Unis se dirigent vers des heures et des jours compliqués. A fortiori si le résultat est serré. Sauf grosse surprise, l’élection ne se jouera que dans sept États : l’Arizona, le Nevada, la Caroline du Nord, la Géorgie, le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Et dans cette poignée d’États, la victoire pourrait être longue à se dessiner et ne se jouer qu’à quelques milliers de voix.
Une redite de 2020… en pire ?
Dans ces conditions, le scénario de 2020, qui avait conduit deux mois plus tard à l’assaut du Capitole, pourrait se répéter. En pire ? C’est en tout cas ce que redoute Chioma Chukwu, directrice d’American Oversight, une ONG fondée en 2017 à Washington pour surveiller les attaques contre la démocratie américaine. « Comme il y a quatre ans, des contestations et des manipulations sont à craindre, mais en plus grave », dit-elle. En plus grave car le camp des « deniers », ceux qui aiment à remettre en cause le résultat des élections depuis 2020, est « plus coordonné et mieux préparé cette année ».
Deux problèmes peuvent se poser à partir du 5 novembre au soir. D’une part, la résistance de responsables locaux à la certification des résultats, en raison de multiples théories du complot sans fondement, comme le vote d’étrangers illégaux, etc. Ces rumeurs, qui tournaient déjà en boucle il y a quatre ans, ont commencé à inonder les réseaux sociaux cette année, toujours sans la moindre preuve. Or certaines personnes chargées des procédures de certification, au niveau local, sont de ceux-là.
Une confiance dans le processus électoral au plus bas chez les républicains
D’autre part, la contestation, dans la rue, des résultats, encouragée par le camp Maga (« Make America Great Again »), le mouvement trumpiste. Des attroupements, certains armés, s’étaient déjà produits en 2020, en Arizona et dans le Michigan notamment. Or le travail de sape depuis 2020 est tel que la confiance dans le processus électoral est au plus bas, donnant encore plus de poids, auprès d’un certain public, aux théories conspirationnistes. Un sondage d’Associated Press, en 2023, indiquait que seulement 22 % des électeurs républicains étaient confiants quant au juste décompte des voix lors de la présidentielle à venir, contre 28 % en 2020 et 32 % en 2016.
Et c’est là que le travail mieux coordonné de l’Amérique Maga a son importance : « Cette année, le mouvement a commencé les attaques en justice bien plus tôt, explique Chioma Chukwu. Notamment pour contester la validité de certaines listes électorales, la présence de certains noms, ou encore simplement les procédures. Ces plaintes ne donnent rien en justice, mais elles sèment le doute. C’est leur but, accréditer l’idée que” quelque chose ne tourne pas rond”. »
Déjà plus d’une centaine de plaintes déposées par le Parti républicain
Pour chauffer la salle, en quelque sorte. Avec un meilleur contrôle par le camp trumpiste de l’appareil républicain, et donc des ressources. Depuis mars 2024, la présidente du Comité national républicain, le RNC, l’état-major national du Grand Old Party s’appelle Lara Trump. C’est la belle-fille de l’ex-président. Le RNC a déjà déposé plus d’une centaine de plaintes, alors qu’en 2020 les démarches en justice avaient suivi le scrutin.
Toutes ces manœuvres avaient abouti à l’assaut du Capitole. Peut-on craindre des scènes similaires à Washington ? Il y a une différence de taille : en janvier 2025, la Maison-Blanche ne sera pas aux mains d’un président observant sans rien faire les émeutes. Par ailleurs, la présidente du Sénat, institution en charge de certifier les résultats lors de la procédure essentiellement cérémonielle du 6 janvier, n’est pas républicaine, comme Mike Pence en 2020. Elle est démocrate et elle s’appelle Kamala Harris.