Les nouveaux enjeux de la guerre en Ukraine
Alors que la guerre imposée par la Russie à l’Ukraine va entrer dans sa troisième année, Kiev est confronté sans doute à la pire situation depuis l’échec de l’offensive initiale lancée par Vladimir Poutine. Depuis des semaines, les nouvelles du front ne sont pas bonnes. Les munitions manquent, la lassitude gagne. La résilience de la société ukrainienne est mise à l’épreuve.
Cette fatigue est d’autant plus légitime que, pour le pays agressé, cette guerre a en fait commencé il y a dix ans, après la révolution de Maïdan. Aussitôt que l’Ukraine a exprimé de manière indiscutable sa volonté de se tourner vers l’Europe et l’Occident, le maître du Kremlin a ouvert les hostilités pour signifier que cette expression d’indépendance et de souveraineté était pour lui inacceptable.
La guerre a été tout d’abord révélatrice en Russie d’un impérialisme qui justifie toutes les monstruosités, comme les bombardements jusqu’à la nausée d’un territoire dont les civils ne sont pas distingués des militaires. Mais elle met aujourd’hui en évidence aux Etats-Unis une tragique tentation. Celle de la lâcheté, du renoncement à porter secours à une nation qui combat pour sa liberté alors même que pas un seul soldat américain n’est exposé à la fureur des combats.
Cette tentation constitue une menace terrible pour l’Ukraine, qui n’aurait pas pu tenir face aux premiers assauts russes sans le puissant soutien militaire assuré par le président démocrate, Joe Biden. Ce dernier est désormais entravé au Congrès par un Parti républicain passé en une génération d’un interventionnisme sans limites à l’excès inverse. Sous l’influence délétère de Donald Trump, il n’a plus rien à dire au monde.
Fuite en avant russe
Ce rabougrissement américain, qu’il soit ou non acté lors de l’élection présidentielle du 5 novembre, doit être un ultime signal d’alarme pour les Européens. Ce qui se passe à l’Est les concerne bien plus directement qu’ils n’ont voulu le reconnaître jusqu’à présent. Un nouvel âge s’ouvre.
Dans l’esprit de son instigateur russe, la guerre en Ukraine n’est pas livrée dans l’objectif de parvenir à des tractations territoriales dans la meilleure des postures possibles. Pour Vladimir Poutine, qu’il faut prendre au mot sur ce point, il s’agit d’un conflit existentiel, mené contre le système de valeurs qui constitue le cœur du modèle européen. Tout en témoigne : le bourrage des crânes russes pratiqué à une échelle industrielle, la transformation de l’économie du pays en une économie de guerre qui ne peut que nourrir le bellicisme à l’œuvre, la militarisation des esprits, le travail de sape des opinions occidentales, ou encore l’étouffement féroce de toute forme de dissidence.
Cette fuite en avant russe, combinée à l’éventualité d’un retrait américain, et donc d’un affaiblissement de l’OTAN, oblige les Européens à se préparer au plus vite à assurer eux-mêmes leur sécurité, qui commence en Ukraine. Ils ne pourront y parvenir qu’unis, comme pour tous les autres défis qu’ils ont eu et qu’ils auront à affronter, des pandémies aux enjeux du climat, quoi que professent les souverainistes qui pensent l’avenir l’œil rivé sur un passé révolu.
Le défi est colossal. Jusqu’à présent, les dirigeants européens se sont montrés à la hauteur de l’histoire. Il leur faut désormais assumer une lourde tâche de conviction auprès de leurs peuples. La menace est là, feindre de l’ignorer serait inexcusable.