« Les Russes auraient augmenté leur présence en Ukraine. Tout le monde parle d’une nouvelle attaque sur Kiev. Ça me glace le sang »


Olga et Sasha sont deux sœurs ukrainiennes. La première a 35 ans et est caviste à Paris, où elle habite depuis sept ans. La seconde, âgée de 33 ans, vit à Kiev avec ses parents et sa grand-mère. Les deux sœurs ont accepté, depuis le début du conflit, de tenir leur journal de bord pour « M ». Cette semaine, Olga tente de se préserver tant bien que mal des nouvelles du front, tandis que Sasha, qui a commencé à travailler comme fixeuse pour un journaliste français, se rend à Brovary, en banlieue de Kiev, où un hélicoptère s’est écrasé à proximité d’une école maternelle.

Mardi 17 janvier

Olga : Je me lève et vois des centaines de posts sur l’attaque de Dnipro. C’est un coup très dur pour notre moral à tous. J’apprends aussi une nouvelle étonnante : Arestovytch, le conseiller de Zelensky que j’écoute si souvent, a donné sa démission. Dans sa dernière intervention de samedi, il avait émis l’hypothèse que le drame de Dnipro a été causé par les débris d’un missile russe intercepté par la protection antiaérienne ukrainienne. On a su après que ça n’était pas du tout le cas. Mais la « poubelle russe » (comprenez les propagandistes) a tout de suite repris ses paroles, de même que l’opposition ukrainienne. Dans les médias et sur les réseaux ukrainiens, il y a eu une vague d’accusations contre Arestovytch. J’ai très peur que cela puisse causer des dégâts, pas seulement pour lui, mais sur notre capacité à tenir bon. On doit rester soudés.

Sasha : Un mois et demi d’hiver est passé. Je regarde le calendrier comme si cela pouvait hâter le printemps et la fin de la guerre. Je suis les actualités sur les opérations de secours à Dnipro, les collectes de dons pour les familles des victimes, je découvre les témoignages des gens qui ont survécu. Un habitant raconte que, en 2014, il a dû quitter la région de Donetsk à cause de la guerre qui commençait dans le Donbass, puis qu’il s’est installé avec sa famille à Kherson, qu’il a dû fuir pendant l’occupation des russes, et maintenant à Dnipro, que ce missile a détruit son appartement et gravement blessé sa femme. Il reste tout calme devant la caméra, moi, je suis stupéfaite. Comment fait-il ?

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Une copine m’a rapporté le Time avec Zelensky en couverture, elle l’a acheté au cours d’un voyage à Berlin. Je passe mon après-midi à lire ces dix doubles pages sur lui et sur l’Ukraine. Je suis traversée par les émotions, passe du rire nerveux aux larmes. Notre cinquantième « journal » dans M approche, tout comme le jour qui actera la première année de la guerre à grande échelle. J’envisage de tout relire. Parfois, il me semble que janvier 2022 était dans une autre vie et que je n’ai jamais connu autre chose que ma vie depuis le 24 février.

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