Les tours de passe-passe de Jean-Hubert Gailliot


Jean-Hubert Gailliot, à Auch, en 2014.

Mots de passe » ? Rarement titre de rubrique aura semblé si judicieux : Jean-Hubert Gailliot est en effet un passeur, à sa façon, de mots et de mondes, qui aime dans ses livres traverser les frontières, jouer des genres et des milieux, avec un faible pour les personnages transgressifs – n’a-t-il pas signé naguère un extravagant Bambi Frankenstein (L’Olivier, 2006), inspiré des métamorphoses de Michael Jackson ?

Cet art de la contrebande et ce goût presque enfantin du passe-passe, on les retrouve dans Le Pickpocket des Champs-Elysées, où cohabitent – entourloupe narrative magistrale – deux univers distincts : le milieu très bourgeois de la famille Molyneux, et la marge interlope de Skip, voyou véloce, rêveur, dérivant dans un mirage paranoïaque, une pègre de fiction. Comment ces deux univers vont-ils se croiser ? Skip subtilise, tout simplement, l’alliance de Molyneux, sans que ce dernier le remarque : furtive rencontre des opposés, éventuellement appelée à se reproduire… Le suspense en tout cas reste entier dans cette chronique policière d’un Paris perdu, où l’esprit de Modiano croiserait l’ironie noire d’un Chabrol. Ce n’est pas par hasard, du reste, si un film de Chabrol, La Femme infidèle (1969), projeté au cinéma Mac-Mahon, joue un rôle central, presque iconique, dans le déroulement de l’histoire… Jean-Hubert Gailliot parvient ainsi à rendre l’époque dont il parle étrangement présente, comme si l’écrivain s’était téléporté dans le Paris de l’été 1969, avec ses cravates qui s’élargissent et ses billets de 5 francs à l’effigie de Louis Pasteur.

Paris

C’est étonnant : le romancier n’a pas passé son enfance à Paris, dont il semble pourtant avoir gardé des souvenirs si personnels. « J’y suis né, mais je n’y ai jamais vécu longtemps, explique-t-il au “Monde des Livres”, et de manière continue seulement à la fin des années 1970, avant de m’installer à Auch [où, en 1987, il a créé avec Sylvie Martigny les merveilleuses éditions Tristram]. C’était plutôt une ville que je traversais, enfant, car mes parents y avaient des amis, alors que nous habitions en province et déménagions souvent. Nous allions d’ailleurs dans les quartiers touristiques que l’on retrouve dans le roman, l’Opéra, les Champs-Elysées, alors qu’ensuite, quand j’y ai habité, j’ai arpenté la ville vraiment dans tous les sens. C’était pour moi une période de disette, car avant même de passer le bac j’avais quitté le monde de mes parents, qui étaient des bourgeois, même s’ils n’avaient pas le standing des Molyneux… »

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