Les victimes de l’Androcur et des progestatifs poursuivent l’Etat en justice pour être indemnisées


Imagerie par résonance magnétique (IRM) montrant un méningiome provoqué chez une victime par la prise d’Androcur, ou autres progestatifs.

Après les victimes du Mediator et de la Dépakine, c’est au tour de celles de l’Androcur et des autres progestatifs (Lutényl, Lutéran…) de demander des comptes à l’Etat. Selon les informations du Monde, deux premières requêtes ont été déposées le 7 mars devant le tribunal administratif de Montreuil, en Seine-Saint-Denis, département où est installée l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Elles visent le ministère de la santé, afin d’obtenir une indemnisation respectivement de 748 777 euros et 361 515 euros. Une cinquantaine de recours sont en préparation sur 450 dossiers identifiés à ce jour. Ils s’appuient sur des expertises médicales qui mettent en cause la réaction tardive des autorités de santé, malgré les alertes, pour informer correctement des risques de méningiome (tumeur du cerveau) liés à ces traitements hormonaux dérivés de la progestérone. Contactés, le ministère de la santé et l’ANSM n’ont pas souhaité faire de commentaire.

Initialement développé contre l’hirsutisme, l’Androcur (nom commercial de l’acétate de cyprotérone) est un médicament qui inhibe les hormones masculines. Produit par le laboratoire Bayer, commercialisé depuis 1980, il a été prescrit massivement à des femmes contre l’endométriose, l’acné ou encore comme moyen de contraception. Il peut aussi être donné à des personnes transgenres pour ses propriétés antiandrogéniques.

A l’origine d’un des deux recours, Céline A., 50 ans, qui souhaite conserver l’anonymat, en a pris entre 2010 et 2016 sur les conseils de son gynécologue : « Personne ne m’a averti que ma vie pouvait basculer à cause d’une simple pilule. » Sa vie a « basculé » le 8 septembre 2016. A la suite d’un accident de voiture et de la persistance de douleurs cervicales intenses et de tremblements du bras gauche, elle réalise une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale : l’examen met en évidence trois méningiomes. Le plus gros, de la taille d’une clémentine, est retiré en urgence. Huit ans plus tard, elle ne peut plus conduire ni travailler en raison de maux de tête, de troubles de la concentration et de l’équilibre ou encore d’une acuité visuelle réduite. Et vit avec « une épée de Damoclès au-dessus de la tête » : deux méningiomes à surveiller et la « peur » d’une nouvelle opération à risque.

Avant de pouvoir saisir le juge administratif, Céline A. a dû se prêter à une longue expertise médicale dans le cadre d’une procédure judiciaire de « référé-expertise ». Le rapport final, daté d’octobre 2022, que Le Monde a pu consulter, ne laisse guère de place au doute : « Le lien de causalité entre la pathologie et les symptômes présentés (…) et l’Androcur sont reconnus » et « ne peut pas être imputable à une autre cause ». Le document est tout aussi clair sur la réaction de l’ANSM : « Il semble illogique que les mesures de prévention n’aient été prises qu’à partir de 2018 » alors que l’Agence elle-même indique sur son site que « le risque était établi en 2009 ». La première alerte de pharmacovigilance remonte à 2004, avec cinq cas de méningiomes de patients traités à base d’acétate de cyprotérone. Et le risque était « avéré » dès 2007, selon les experts. Cette année-là, une première publication scientifique, du neurochirurgien Sébastien Froelich, tire la sonnette d’alarme et le laboratoire Bayer lui-même signale le « risque plus élevé de méningiomes chez les utilisatrices d’acétate de cyprotérone ».

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