L’interdiction de l’abaya à l’école devrait être validée par le juge administratif



Tout juste un an après l’interdiction du port de l’abaya à l’école publique, on s’oriente vers une validation de la mesure par le juge administratif. Le Conseil d’État a examiné, lundi 9 septembre, trois requêtes contre la note de service adressée en septembre 2023 par Gabriel Attal, alors ministre de l’éducation.

La note rappelait le principe de la loi de 2004, qui interdit au nom de la laïcité le port de signes ou de tenues par lesquels les élèves « manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ». Faisant état d’une forte progression d’incidents durant l’année scolaire 2022-2023, Gabriel Attal annonçait l’interdiction du port de l’abaya dans les établissements scolaires.

Pas de liste de signes ou de tenues

Le Conseil d’État rendra sa décision dans deux ou trois semaines environ mais, lors de la séance, les conclusions présentées par le rapporteur public, Jean-François de Montgolfier, laissent peu de chances aux requérants, dont il a écarté tous les griefs. Premièrement, on ne peut reprocher au gouvernement d’avoir précisé la loi en visant spécifiquement une tenue qui n’était pas mentionnée en 2004. Le législateur n’avait pas dressé de liste de signes ou de vêtements et la circulaire d’application, tout en prenant l’exemple d’une grande croix, de la kippa ou du voile, précisait que l’interdiction avait vocation à concerner toute nouvelle forme d’expression prosélyte.

Le rapporteur a ensuite rejeté l’argument selon lequel l’abaya n’est pas en soi un vêtement religieux mais traditionnel, preuve en étant qu’il n’est pas prescrit par le Coran ou par des autorités religieuses.

Il ne revient ni à l’autorité publique ni même au juge de s’engager dans la distinction de ce qui est religieux et de ce qui ne l’est pas, de reconnaître ce qui relève du dogme ou non, mais simplement de considérer un « fait social ». C’est ce qu’avait déjà dit, en septembre 2023, le Conseil d’État saisi en référé (en urgence) en relevant qu’«un nombre de signalements en forte augmentation au cours de l’année scolaire 2022-2023 s’inscrit dans une logique d’affirmation religieuse, ainsi que cela ressort notamment des propos tenus au cours des dialogues engagés avec les élèves ».

Le rapporteur a estimé lundi que les requérants, deux syndicats (La Voix lycéenne et Sud-éducation) et une association (Action droits des musulmans), n’ont pu apporter depuis aucune contradiction à ces éléments factuels.

Version austère de l’abaya

L’identification de l’abaya (quelle différence avec une simple jupe longue ?) peut certes poser « des difficultés d’appréciation », reconnaît le rapporteur. À travers le monde et au gré des modes, il existe maintes variantes de ces tenues. Mais en France « la version austère l’emporte », souligne le rapporteur, qui indique que la plupart des filles vêtues d’abayas portent aussi le voile. « L’ensemble forme un hijab » analyse Jean-François de Montgolfier.

Avant d’entrer dans les établissements scolaires, ces élèves « enlèvent le voile qui seul serait interdit » et l’abaya apparaît ainsi comme une forme de subterfuge. Or « ce qui vaut pour le voile vaut aussi pour l’abaya », conclut le magistrat.

Enfin, le rapporteur écarte l’argument d’une « discrimination » des jeunes filles musulmanes. « Si vous nous avez suivis pour juger que le port de l’abaya relève d’une logique d’affirmation religieuse, l’argumentation des requérants perd une grande partie de sa force ».

En visant l’abaya, le ministre de l’éducation « traite les difficultés auxquelles ses services sont confrontés », mais la note ministérielle relève de l’application de la loi indépendamment de la religion et pourrait tout à fait concerner d’autres cultes.



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