Michel Barnier, homme de fidélités et d’indépendance d’esprit
En acceptant d’être nommé à Matignon, Michel Barnier effectue à 73 ans un retour inattendu sur le devant de la scène politique. Le chef du gouvernement le plus âgé de la Ve République succède donc au plus jeune, Gabriel Attal. Marié à Isabelle Altmayer-Barnier et père de trois enfants – Nicolas, Laëtitia et Benjamin –, le nouveau premier ministre possède une longue expérience, à Paris comme à Bruxelles.
Fidélité dans l’indépendance
C’est encore lycéen que Michel Barnier s’est engagé en politique, au sein du mouvement des jeunes gaullistes. Une famille partisane à laquelle il est resté fidèle. Diplômé de l’École supérieure de commerce de Paris, Michel Barnier participe à plusieurs cabinets ministériels tout en s’implantant politiquement avec succès dans sa Savoie natale.
En septembre 1973, il est élu plus jeune conseiller général de France à 22 ans. En mars 1978, il est élu député, benjamin de l’Assemblée nationale. En mars 1982, il est élu plus jeune président du conseil général. Succédant à la gauche, il insiste déjà sur « l’ouverture et le dialogue »,« le souci de dépasser les querelles partisanes, d’oublier les étiquettes pour travailler ensemble ».
En 1989, il est un des six députés du RPR chiraquien qui lancent, au côté de six députés de l’UDF giscardienne, le mouvement des « rénovateurs » de la droite, révolte contre les états-majors parisiens et la guerre des chefs entre Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing. Michel Barnier conservera cette indépendance d’esprit.
Nature et sport, Savoie et Europe
Deux grandes thématiques ont imprégné le parcours politique de Michel Barnier. D’une part l’écologie, du cabinet ministériel de Robert Poujade – tout premier ministre de l’environnement au début des années 1970 – jusqu’à occuper à son tour ce poste en 1993, dans le gouvernement d’Édouard Balladur. En 1990, Michel Barnier se démarque ainsi à droite en présentant 100 propositions pour l’environnement (Chacun pour tous. Le défi écologique, Stock).
D’autre part les sports, du cabinet ministériel de l’alpiniste haut-savoyard Pierre Mazeaud à l’organisation des Jeux olympiques d’hiver de 1992 à Albertville, chez lui. C’est cet événement qui le fera connaître du grand public.
Avec la Savoie, l’Europe est une autre fidélité de Michel Barnier. En 1992, alors que les gaullistes se déchirent sur le traité de Maastricht, il est un des cinq députés RPR à assumer d’emblée son vote positif, dès la révision constitutionnelle préalable. L’Europe est d’ailleurs souvent près de ses fonctions ministérielles, des affaires européennes sous Jacques Chirac à l’agriculture et la pêche sous Nicolas Sarkozy. Surtout, il est parallèlement deux fois commissaire européen, puis négociateur du Brexit entre 2016 et 2021. Une fonction délicate qui lui a déjà donné l’occasion de travailler avec Emmanuel Macron. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a très vite félicité Michel Barnier, jeudi, estimant qu’il avait « les intérêts de l’Europe et de la France à cœur ».
Retours sur la scène politique nationale
Avant sa nomination à Matignon, Michel Barnier a tenté à deux reprises de revenir sur le devant de la scène politique nationale. En 2015, il tenta d’obtenir l’investiture de la droite aux élections régionales en Auvergne-Rhône-Alpes. En vain : c’est Laurent Wauquiez qui la décrocha. En 2021, il présenta sa candidature à la présidentielle de 2022. En vain de nouveau : les militants LR l’éliminèrent dès le premier tour.
Durant ce scrutin interne, il avait surpris en remettant en cause son engagement européen de toujours à travers la proposition d’un « bouclier constitutionnel » contre toute primauté du droit européen sur le droit national. Objectif : appliquer en France un « moratoire » de trois à cinq ans sur l’immigration. Pour le reste, Michel Barnier avait défendu un libéralisme compatible avec le macronisme, de l’allongement de la durée du travail (retraite à 65 ans) à la baisse des dépenses publiques. Fils d’un anticlérical et d’une catholique de gauche, il n’a en revanche pas de position publique affirmée sur les questions de société.