Militantisme écologiste, la galaxie de la désobéissance civile



Il y a d’abord eu Extinction Rebellion, qui a frappé les esprits en occupant des axes de circulation ou des lieux publics pendant plusieurs jours. Puis Dernière Rénovation, qui a interrompu le tournoi de Roland-Garros et bloqué le périphérique parisien… À l’automne dernier, Just Stop Oil, en Angleterre, s’est fait connaître en jetant de la soupe sur les vitres de tableaux dans des musées. Autant d’actions chocs, qui se multiplient en France et en Europe. Derrière elles, une multitude de collectifs, souvent informels, de plus en plus nombreux et accusés de jouer la surenchère.

« Quand Extinction Rebellion est arrivée en France en 2018, elle était perçue comme très radicale », analyse le journaliste ­Sébastien ­Leurquin, journaliste indépendant qui a enquêté un an et demi, avec son confrère de Marianne ­Anthony ­Cortes, sur cette nouvelle galaxie (1). « Aujourd’hui, elle peut apparaître comme modérée en comparaison d’autres groupes qui assument par exemple les sabotages », comme Les Soulèvements de la terre (lire ci-contre).

Ces modes d’action sont-ils pour autant nouveaux ? « ­Greenpeace a beaucoup usé des modes d’action coup-de-poing et non-violents que l’on observe aujourd’hui chez Extinction Rebellion », rappelle ­Denis ­Chartier, professeur de géographie à l’université Paris-Cité. De la fondation de Sea Shepherd aux faucheurs d’OGM, la question des modes d’action « non-conventionnels » a toujours irrigué les mouvements écologistes. ­Greenpeace comme Les Amis de la terre revendiquent toujours le recours à la désobéissance civile, aux côtés d’actions de plaidoyer, de la production de rapports, d’actions en justice…

« Ce qui est nouveau avec les collectifs émergents, c’est le puissant retentissement donné à leurs actions, diagnostique Denis ­Chartier. Cela peut s’expliquer par l’utilisation des réseaux sociaux qui a décuplé leur visibilité, ainsi que la façon inédite qu’ils ont de mettre en récit l’urgence. »

Le contexte a aussi désormais bien changé, à l’heure où le réchauffement atteint 1,1 °C.« Les actions ont davantage de résonance dans l’opinion », estime le journaliste ­Sébastien ­Leurquin. Là où ils pouvaient parfois, dans le passé, être perçus comme de doux rêveurs, les militants écologistes soulèvent désormais « de véritables questionnements de société et de civilisation », poursuit-il, en phase avec l’inquiétude grandissante dans la population face au réchauffement climatique.

Pour certains observateurs, l’irruption de ces nouveaux mouvements écologistes résulte aussi d’une fracture plus grande entre l’État et les acteurs associatifs traditionnels. « Depuis une dizaine d’années, la relation de confiance – voire parfois de proximité – entre eux s’est détériorée, résume ­Cécile ­Blatrix, professeure de sciences politique à AgroParisTech. Cette forme de mise à distance comporte des risques, mettant en péril la prise en charge apaisée des enjeux écologiques. »

« Dès les marches lycéennes pour le climat, nous avons expliqué à l’exécutif que s’il n’était pas plus à l’écoute des revendications des associations environnementales, la jeunesse se tournerait vers la désobéissance civile non-violente, puis vers le sabotage, voire la violence, relate ­Arnaud ­Schwartz, président de France Nature Environnement (FNE). Ce que l’on craint maintenant, c’est une escalade, et que la prochaine étape soit des attaques ciblées contre certaines personnes, décideurs publics ou privés notamment. »

Dans l’escalade, la violence peut venir des différents « camps ». FNE a recensé une cinquantaine de cas d’agressions, d’atteintes aux biens ou de menace de ses membres depuis 2015. ­Arnaud ­Schwartz regrette une forme de « deux poids, deux mesures » : « Le gouvernement joue aussi avec le feu lorsqu’il reste silencieux face aux violences qui ciblent nos bénévoles et salariés qui agissent pacifiquement pour faire respecter le droit de l’environnement. »



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