Noah 83 dans « L’Equipe » (13/15) : « Je ne pouvais pas perdre »



8 juin 1983 : Au surlendemain de son triomphe face à Wilander, Yannick Noah passe prendre son chèque de vainqueur à Roland-Garros et serrer enfin la main de l’arbitre de la finale ( « Excusez-moi, Jacques [Dorfmann], dans la folie, je vous avais oublié » ). Il livre ses impressions du moment.

« Yannick, quelle a été votre première pensée lundi en vous réveillant ?
Rien de spécial. Tout était normal. Je ne me donne pas des claques toutes les deux minutes pour me dire : “Eh ! Oh ! Tu as gagné !” Cela dit, ce n’est pas encore banal. Sans arrêt, j’ai des flash-back du tournoi. Le jour, la nuit…

Lesquels en particulier ?
Le moment où je brandis la coupe. Quand tu es gosse et que tu rêves de gagner Roland-Garros, c’est ça que tu vois. Et dimanche, c’était moi qui tenais la Coupe à bout de bras… C’est fou.

Au début du tournoi, étiez-vous persuadé de pouvoir ­gagner ?
Pas du tout. J’avais un peu peur parce que c’était la première fois que j’avais une chance. J’avais un peu la trouille de ne pas savoir où j’allais. Je m’en faisais une montagne. En fait, j’étais prêt pour quelque chose de beaucoup plus dur. Ma sciatique m’a inquiété au début. Elle empirait au fil des jours. Après le match contre Dupre (troisième tour), j’avais mal jusqu’aux pieds. J’avais peur de me casser en faisant un effort violent.

Si l’on se fie aux scores de vos matches (un set perdu sur les deux semaines), on a l’impression d’un tournoi facile pour vous…
C’est vrai que je n’ai pas eu l’impression de jouer fantastiquement. Je n’ai pas fait réellement un match extraordinaire. Je n’ai pas fait de coups à dix mille à l’heure, pas passé deux aces par jeu. À Hambourg, j’avais été plus spectaculaire. Là, j’ai été solide.

Quand avez-vous vraiment pensé gagner le tournoi ?
Quand j’ai battu Lendl en quarts. Vilas et Connors n’étaient plus là. Je pensais pouvoir battre Higueras et Wilander. Et Christophe Roger-Vasselin, en demi-finales, je devais le battre. C’est marrant, c’est le seul match qui m’a vraiment rendu nerveux.

Vous n’avez pas été inquiet en sentant venir les crampes contre Wilander ?
Pas trop. Avec les frictions, elles sont passées.

N’avez-vous pas craint de perdre cette finale ?
Si j’avais perdu, j’aurais dégusté. J’avais beau essayer de me raisonner, la veille je passais dans ma tête toutes les éventualités, match en trois sets, en cinq sets… Rien à faire, je me voyais gagner. Je ne pouvais pas perdre. Trop de choses étaient réunies. Le soleil, le stade, la famille, le public, pour que ce ne soit pas MON jour… »



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