« On préfère mourir du Covid que vivre comme des animaux confinés »



« Pour la première fois depuis des semaines, j’ai accompagné mes deux enfants à l’école ce matin », s’enthousiasme Marie Wu, 35 ans, femme d’affaires de Chengdu dans la province du Sichuan. Au bord de la crise de nerfs il y a encore peu de temps après trois ans de confinement, tests PCR et contrôle des QR Codes, Marie Wu ne cache pas sa joie : « Je suis heureuse d’avoir retrouvé la liberté… Cette politique de zéro Covid était vraiment inutile, il était temps que ça s’arrête. »

À la suite de la décision du gouvernement d’abandonner depuis mercredi dernier sa stratégie zéro Covid, les Chinois commencent à respirer, même si une vague de contaminations, inégalement répartie, a déjà commencé.

Une apparente normalité alors que l’anxiété domine

« Les signaux de propagation sont vertigineux à Wuhan, assure un banquier européen qui y vit depuis des années, 75 % de mon personnel est positif et s’est autoconfiné à la maison depuis hier. » Si les activités extérieures ont repris une apparence presque normale (transports, magasins, restaurants, bars), c’est tout de même l’anxiété qui domine dans cette ville martyre, capitale de la province du Hubei où est apparu le coronavirus, elle qui a souffert en premier du très violent confinement de soixante-seize jours début 2020. « Le traumatisme originel a laissé de profonds stigmates psychologiques ici, poursuit-il. C’est pourquoi tout le monde s’est précipité dans les pharmacies pour faire provision de médicaments et d’autotests, mais les officines sont dévalisées. »

Le Covid-19 se « propage rapidement » en Chine

Ce témoignage de terrain, tout aussi valable pour Pékin, fait écho à l’avertissement dimanche du docteur Zhong, épidémiologiste conseiller du gouvernement, que la vague de Covid-19 « se propage rapidement » en Chine. « Dans de telles circonstances, quelle que soit la force de la prévention et du contrôle, il sera difficile de couper complètement la chaîne de transmission » du virus, a-t-il précisé. « Les sous-variants actuels d’Omicron (…) sont très contagieux (…) Une personne peut transmettre à 22 personnes », a-t-il ajouté, la veille de l’annonce du retrait de l’application utilisée pour tracer les déplacements des habitants et s’assurer qu’ils n’étaient pas dans une zone touchée. Un nouveau symbole de la sortie de la stratégie zéro Covid.

Face à cette réelle menace dont il est encore difficile d’évaluer l’ampleur à l’échelle d’une Chine immense – il n’y a plus de tests, donc plus de statistiques de cas –, les réactions de l’opinion publique sont très contrastées. « Je suis heureux car je vais reprendre le boulot, se réjouit Eric, guide à Guilin (Guangxi). Mais je suis inquiet pour mes parents et grands-parents, alors j’ai fait des stocks de médicaments contre la fièvre qui pourront tenir pendant au moins deux ans… »

Traumatisme national

Pour Mike Chen, commerçant à Xian, « la vie est belle mais il faut que les vieux restent bien enfermés chez eux pour éviter d’être contaminés et risquer la mort. » Dans la même ville, les étudiants du « campus nord » ont été renvoyés chez eux et suivent les cours en ligne. « Mais les étudiants du campus sud sont confinés, témoigne un professeur, car il y a eu plusieurs cas positifs. »

Pour autant, nombre de Chinois comprennent qu’ils ont souffert pendant trois ans à cause des mensonges de leur gouvernement. « Ils ont compris que, en dépit du danger potentiel, ils pouvaient vivre avec le virus, analyse sur messagerie cryptée une historienne de l’université de Chongqing (Sichuan), et ils préfèrent aujourd’hui mourir du Covid plutôt que de vivre comme des animaux confinés. » À ses yeux, les Chinois vont rester marqués à vie par cet épisode dramatique de l’histoire récente du pays, « comme (ses) parents par la Révolution culturelle lancée par Mao, une catastrophe ». Qui aura fait plus de morts que l’échec de la politique zéro Covid de Xi Jinping. Jusqu’à présent.



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