Pétrole : pourquoi s’en passer ?


La scène a été abondamment commentée et reprise dans les médias. En cette fin août 2023, les patrons du Medef accueillent le climatologue Jean Jouzel pour parler des enjeux de la transition énergétique. Mais face au scientifique qui vient d’égrainer, une fois encore, la longue liste des effets du réchauffement climatique – canicules, sécheresses, inondations, fonte des glaciers, etc – le patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, réplique avec une pointe de condescendance : « Je connais et je respecte l’avis des scientifiques. Le problème c’est qu’il y a la vie réelle. (…) Cette transition, je suis désolé Jean, elle prendra du temps ».

Du temps… ? « Le problème Patrick, c’est qu’il n’y en a plus beaucoup » aurait pu rétorquer Jean Jouzel. D’ailleurs le Giec, dont le climatologue a longtemps été le vice-président, n’est pas le seul à l’affirmer. Depuis 2021, la très puissante Agence internationale de l’énergie (AIE), liée à l’OCDE, dont les analyses sont une référence dans le secteur énergétique, le dit aussi.

Selon elle, pour tenir l’objectif de limiter le réchauffement à + 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, il faudrait stopper tous les nouveaux projets d’extraction d’énergies fossiles, y compris donc dans le pétrole. Une position désormais reprise en boucle par les défenseurs du climat, et qui devient de plus en plus compliquée à contredire pour le secteur pétrolier.

Derrière cette idée, il y a bien sûr un implacable constat scientifique. Dès la fin du XIX siècle, des physiciens font le lien entre combustion d’énergies fossiles, renforcement de l’effet de serre et réchauffement de la planète. L’un d’eux, un Suédois nobelisé nommé Svante Arrhenius, le voit d’ailleurs à l’époque comme une bonne nouvelle, prédisant un climat futur plus doux et stable… Raté.

Un siècle plus tard, dans son premier rapport publié en 1989, le Giec établit un lien clair entre combustion d’énergies fossiles – charbon, pétrole et gaz – et augmentation de la température, dont il montre qu’elle pourrait en réalité compromettre l’habitabilité de régions entières du globe. La combustion de ces énergies carbonées est responsable de 85 % des émissions de CO2, principal gaz à effet de serre.

Dans le classement, le pétrole se place juste derrière le charbon : son extraction et sa transformation (en carburant ou dans la pétrochimie) et surtout sa combustion (dans les moteurs, par exemple) représentent près de 30 % des émissions totales. Il faut y ajouter le fait que l’extraction de pétrole génère des fuites de méthane, un gaz bien plus puissant que le CO2, mais qui a une durée de vie plus courte dans l’atmosphère.