plongée dans le surnaturel au Festival international du film fantastique de Gérardmer


Angèle Mac dans « La Tour », de Guillaume Nicloux.

Gérardmer, Hautes-Vosges, l’Allemagne toute proche. C’est, en hiver, soit le ski, soit le Festival international du film fantastique, qui, après Avoriaz en d’autres temps, réunit ici depuis trente ans, sous la houlette de Bruno Barde, un aréopage de dangereux excentriques qui n’affectionnent rien tant que le surnaturel sous toutes ses formes, quand ce n’est pas le joyeux découpage de leurs semblables en morceaux. Large palette, qui comprend, quasiment dès les origines du cinéma, le merveilleux, l’anticipation, l’horreur, la science-fiction, on en passe et des meilleures, ces branches pouvant à l’occasion se combiner. Autant dire que le genre fantastique, en cela sans réel équivalent, est une sorte de blob, un organisme ductile, expansif, foisonnant, qui ne se résume ni ne se contient.

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C’est cette dimension protéiforme qui se célébrait de nouveau lors de cette édition, tenue du 25 au 29 janvier, devant un public fidèle, jeune, fervent et assez joueur. Tout commença très fort, dès Paris en vérité, où la gare de l’Est, paralysée par un mystérieux incendie, prit d’emblée un petit air postapocalyptique. Joli coup d’envoi des organisateurs de la manifestation, qui n’eurent qu’à prolonger à domicile sur cette ligne de haute tension. Les neuf longs-métrages en compétition y auront par ailleurs confirmé cette règle d’airain en vertu de laquelle l’inconnu ne nous enchante, ne nous émeut ou ne nous terrifie qu’en raison de sa capacité à être rabattu sur le connu. Et c’est précisément de la nature du rapport entre ces deux termes, de son caractère d’évidence ou de mystère, que dépend la qualité des films.

Simone Bucio dans « Piaffe », d’Ann Oren.

Plusieurs titres, ordonnant leur action selon une transparente causalité, faisaient ainsi penser que le cinéma fantastique pouvait, lui aussi, procéder de la lapalissade. Memory of Water, de la Finlandaise Saara Saarela ? Une dystopie écolo-féministe qui charge les seuls hommes du sombre privilège de la lâcheté et du totalitarisme. Watcher, de l’Américaine Chloe Okuno ? Une sorte de Fenêtre sur cour remis à l’heure de #metoo, perdant de ce fait toute espèce d’ambiguïté à force de marteler, du début à la fin, la culpabilité du genre masculin. The Nocebo Effect, de l’Irlandais Lorcan Finnegan ? Un film d’épouvante au ressort postcolonial, jetant une créatrice de mode névropathe et égotiste (Eva Green) entre les mains d’une domestique philippine fourbissant contre elle une terrifiante et juste vengeance.

Radicale étrangeté

A tout prendre, loin de ces dossiers sociopolitiques à charge revêtus des oripeaux du fantastique, Blood, de l’Américain Brad Anderson, s’en sortait beaucoup mieux, encore qu’il fît lui aussi découler, de manière limpide, d’une acerbe discorde conjugale la transformation d’un garçonnet charmant en un intarissable vampire. Mais c’est décidément ailleurs que se trouvaient les films les plus singuliers, dont le recours ténu et poétique à la matière surnaturelle, refusant tout rapport direct de causalité, ouvrait le plus largement les battants de l’imaginaire. Trois titres se seront imposés.

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