pourquoi la palme d’or ne remplit plus les salles de cinéma


Pulp Fiction (à gauche) et Apocalypse Now figurent parmi les films «palmés» à avoir rencontré un grand succès populaire. Miramax/A Band Apart / Photo United Archives/Cinema Collection / Bridgeman Images/Everett Collection / Bridgeman Images

Les films primés réunissent moitié moins de spectateurs depuis trente ans qu’ils n’en attiraient auparavant. Et le phénomène s’est encore accentué ces dix dernières années.

Le public français s’intéresse-t-il encore au palmarès du Festival de Cannes? Le dernier gros succès d’une palme d’or remonte à 30 ans. Où est passé l’engouement populaire provoqué par Le salaire de la peur, Un homme et une femme ou Apocalypse Now? Pulp Fiction de Quentin Tarantino est la dernière palme d’or à avoir rencontré un grand succès populaire en France. Avec 2,86 millions d’entrées, elle s’était classée 8e au box-office des films sortis en 1994, selon le site spécialisé CBO Box Office.

Depuis 30 ans, des palmes de plomb

Cannes a servi de tremplin à la carrière de ce jeune réalisateur de 31 ans, qui n’avait alors que Reservoir Dogs en poche. Et réciproquement, le «faquin» du cinéma – comme le surnommait Jean-Luc Godard – va œuvrer à la légende du festival.

Depuis, aucun film «palmé» n’a atteint le top 10 du box-office français, alors que douze avaient réussi cet exploit entre 1949 et 1994. Dans la période récente, un seul, le pamphlet Fahrenheit 9/11 de Michael Moore, s’est classé dans le top 20. Et la tête d’affiche de la dernière décennie, Parasite du Coréen Bong Joon-ho, arrive seulement 26e au classement 2019 avec 1,94 million d’entrées. Jusqu’à 1994, les palmes d’or ont attiré en moyenne 1,72 million de spectateurs, contre 812.000 depuis. Soit moitié moins.

C’est Le Salaire de la peur d’Henri-Georges Clouzot, primé en 1953, qui a le plus attiré avec 6,94 millions de spectateurs. Mais ce film explosif appartient à une époque où l’affluence dans les salles obscures était deux fois plus élevée qu’aujourd’hui.

À fréquentation égale, Apocalypse Now est sans doute le plus gros succès populaire pour une palme d’or, avec ses 4,54 millions d’entrées. Vainqueur en 1979, la fresque légendaire de Coppola sur la guerre du Vietnam s’est classée 2e au box-office français et concentré 2,55% des entrées cette année-là. Deux records pour une palme. C’est ainsi la seule palme avec Pulp Fiction et La leçon de piano de Jane Campion (1993) à avoir représenté plus de 2% des entrées totales de l’année. À titre de comparaison, le champion toutes catégories des entrées, Titanic a concentré en 1998 12% des billets vendus. Proportionnellement moins élevées, les entrées d’Un homme et une femme de Lelouch (4,27 millions en 1966), du Guépard (3,65 millions en 1963) ou encore de Taxi Driver (8e au box-office de 1976 avec 2,69 millions d’entrées) font désormais rêver.

Palmes confidentielles

De manière générale, les palmes d’or sont rarement populaires. Depuis 1949, sur les 82 films primés, 42 n’ont pas atteint le Top 50 au box-office français. Dix-neuf sont même restés aux portes du Top 100. Qui se souvient de La Parole donnée du Brésilien Anselmo Duarte, primé en 1962, 228e film au box-office avec 204.000 entrées ? Ou encore des Meilleures intentions (1992) de Bille August, qui tient le record du plus petit nombre de spectateurs (92.000)? Une gifle pour ce scénario autobiographique d’Ingmar Bergman.

Ces dix dernières éditions, l’impopularité a été au zénith: huit palmes sur dix n’ont pas intégré le top 50. Les deux dernières, le métallico-érotique Titane (2021) et la satire Sans filtre (2022), dont les réalisateurs respectifs, Julia Ducournau et Ruben Östlund sont au jury de l’édition 2023, n’ont attiré qu’un public averti et peu nombreux.

Haneke contre 007

Cannes préférant les films d’auteur, ses palmes d’or ne concourent pas dans la même catégorie que les productions à gros budgets, stars des box-offices. Quand L’Éternité et un jour du Grec Théo Angelopoulos, palme d’or 1998, affronte Titanic dans les salles, quand Amour, le drame de Michael Haneke, sort la même année que Skyfall, la concurrence est forcément déloyale.

Avatar, Spider-Man, Le Roi Lion, Star Wars, Harry Potter et autres James Bond... La majorité des maîtres du box-office des 20 dernières années sont des films dont les enveloppes dépassent allègrement les 100 millions de dollars, parfois les 200 ou les 300 millions. Les palmes d’or dépassent, elles, rarement les 10 millions d’euros de budget.



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