Raphaël Halet, le lanceur d’alerte des « LuxLeaks », peut enfin redevenir un citoyen ordinaire


Raphaël Halet, en mars 2021.

Comme un symbole, son smartphone a lâché quelques heures après l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). L’anecdote amuse Raphaël Halet : « Il a tenu bon toutes ces années, mais c’est bien le signe que sa mission est terminée. » Dans ce café près de la gare de Metz, le Mosellan est d’humeur enjouée. Il savoure sa victoire : « Tout le monde ne peut pas dire qu’il a réussi à faire condamner un Etat comme le Luxembourg ! » Son combat judiciaire, vieux de huit ans, vient de s’achever le 14 février. Pour la grande chambre de la CEDH, Raphaël Halet n’est pas un obscur voleur de documents condamné en appel par la justice luxembourgeoise. Après le Vosgien Antoine Deltour, il est bel et bien reconnu comme le second « lanceur d’alerte » de l’affaire « LuxLeaks », un scandale d’évasion fiscale révélé par la presse en 2014.

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Condamné pour violation de la liberté d’expression, le Luxembourg doit payer à Raphaël Halet 15 000 euros pour « dommage moral » et 40 000 euros pour les frais de justice. « Les informations que j’ai livrées sont enfin reconnues comme justes et utiles à l’intérêt général », souffle l’homme de 46 ans.

Réhabilité par la justice, il aurait aussi pu tout perdre. C’est en famille, avec son épouse et ses deux enfants, qu’il s’est présenté à Strasbourg devant la plus haute juridiction. Le quatuor a tenu bon : « Dans une telle affaire, c’est tout l’environnement familial qui trinque physiquement, mentalement et financièrement. » Car rien ne prédestinait cet homme issu d’un milieu modeste à se retrouver au centre de l’un des plus grands scandales financiers ayant ébranlé l’Europe. Né de deux parents handicapés et séparés, il est élevé dans des valeurs de droiture, d’humilité et de labeur par son grand-père instituteur et sa grand-mère, passée de l’usine à l’intendance de l’école.

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« C’était tout le contraire de ce que j’étais »

En 2006, le voilà recruté comme assistant personnel de direction dans un département fiscal, chez PricewaterhouseCoopers (PwC), cabinet gérant la fiscalité des plus grandes multinationales. « Au Luxembourg, j’ai découvert l’argent facile, la compétition, le cynisme. C’était tout le contraire de ce que j’étais », reconnaît cet ancien photographe dont la société a périclité et qui a dû enchaîner en intérim les petits boulots de maçon, éboueur et opérateur dans un centre d’appels.

Quatre ans après, il devient chef d’une petite équipe d’administratifs chargés de traiter tous les documents fiscaux établis par PwC pour ses clients : « A l’époque, je n’y comprenais pas grand-chose. J’étais un peu comme un ouvrier qui fabrique une pièce à la chaîne sans vraiment savoir à quoi elle va servir. » Le déclic vient en mai 2012, de l’émission « Cash Investigation », sur France 2. Elle révèle comment des entreprises échappent à l’impôt grâce à des montages fiscaux très élaborés inventés par PwC. « Cela a été un choc », avoue le frontalier.

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