Roman Frayssinet, la vie d’après les excès


L’humoriste Roman Frayssinet, à Paris, en décembre 2022.

Il a beau n’avoir que 28 ans, Roman Frayssinet a pris de la bouteille et se connaît mieux que jamais. Terminé, l’arrivée sur scène, un verre de bière à la main, le regard voilé de celui qui a trop fumé. Pour son nouveau stand-up, l’humoriste affiche une étonnante sérénité sans rien perdre de sa force comique. Avec Ô dedans, une heure hilarante d’introspection et d’élucubrations, le jeune artiste français, formé à l’Ecole nationale de l’humour de Montréal, nous embarque dans sa vie d’après.

« J’ai compris qui j’étais : tout ou rien. J’ai choisi rien, après avoir tout essayé », résume-t-il. Lui, le consommateur extrême, l’excessif en tout (sexe, alcool, drogues), est devenu un admirateur de la modération, de ceux qui disent « tiens, c’est vendredi soir, je vais me faire un petit verre de vin blanc » et s’y tiennent. L’humoriste envoie valser les addictions et, avec elles, le culte de l’apparence et l’ego mal placé. Comme s’il voulait freiner la griserie d’une notoriété rapidement acquise dans le milieu du stand-up et ne pas se brûler les ailes à trop approcher un monde illusoire de paillettes et d’excès.

Du Québec à Paris, tout est allé très vite pour Roman Frayssinet. Son humour surréaliste, ses interrogations existentielles ont conquis un public lassé des vannes lourdes et ressassées sur les communautés, les « meufs » ou les réseaux sociaux. Son précédent spectacle, Alors (2018), a fait salle comble, et les vidéos de ses chroniques dans l’émission de Mouloud Achour, « Clique », sur Canal+, ont engrangé des millions de vues.

De petits récits délirants

Roman Frayssinet a changé son mode de vie et son regard sur l’existence, mais ça bouillonne toujours autant dans son cerveau. Avec Ô dedans, l’humoriste cultive sa capacité à cogiter à voix haute et à partager son état d’esprit. Il ne s’accroche plus au micro mais le tient du bout des doigts et amène les spectateurs à cheminer, du plus superficiel (être reconnu dans la rue, se retrouver aveuglé par la beauté physique) au plus fondamental (se défaire de ses addictions, accepter ses émotions, se détacher du regard des autres).

Dit comme ça, on pourrait penser à une pénible prise de tête. Il n’en est rien, car Roman Frayssinet a conservé sa marque de fabrique : illustrer ses réflexions par de petits récits délirants et mémorables (une randonnée en Corse à la sortie d’une boîte de nuit dans l’espoir d’une gourmandise sexuelle, une journée sous LSD avant de monter le soir sur scène à Plougastel, etc.).

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La sobriété l’a rendu plus sensible, plus profond, mais n’a pas nui à son talent, apparemment fait pour durer. Toujours aussi à l’aise sur scène, il régale son public de trentenaires visiblement heureux de ces retrouvailles. Après un bon et bien dosé moment d’interaction avec un spectateur, le stand-upeur déroule, sans temps mort, ses observations. Il y est question, pêle-mêle, de chirurgie esthétique (« qui sont ces médecins qui peuvent sauver des vies mais qui préfèrent sauver des comptes Instagram ? »), de son obsession pour le poulet (cet oiseau qui ne vole pas), de ce que nos choix de vêtements disent de nous ou encore de l’injonction faite aux hommes de ne pas pleurer.

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