Sale temps pour les Paulette


C’est un joli prénom, Paulette. Quelque peu désuet, quasiment disparu. En 2020, l’Insee estimait à 82 ans l’âge moyen des femmes se prénommant encore ainsi. En cherchant des « Paulette » dans l’annuaire, Michael Haziza misait sur le fait qu’il aurait probablement, au bout du fil, des personnes vulnérables, faciles à embobiner. Des cibles de choix à qui il pourrait faire croire qu’il est un conseiller bancaire ou un membre de la famille. Des proies sans défense qui, aveugles au subterfuge, accepteraient de lui faire des virements ou de lui communiquer des identifiants. Condamné, en novembre 2022, à six ans de prison pour escroquerie par le tribunal correctionnel de Tours, l’homme était convoqué par la cour d’appel d’Orléans, mardi 21 mars.
La première à être tombée dans le panneau, Paulette B., 78 ans, de Ballan-Miré (Indre-et-Loire), s’est fait dérober 44 000 euros de la sorte, en juillet 2020. Au téléphone, l’escroc s’était fait passer pour son fils et lui avait dit connaître de graves problèmes financiers. Après 45 appels dans la même journée, la vieille dame avait fini par consentir un premier mandat de 1 500 euros à ce faux rejeton. Trois autres avaient suivi dans la semaine. Vint ensuite le tour de Paulette G., 84 ans, de Bessines-sur-Gartempe (Haute-Vienne) ; de Paulette P., 76 ans, de Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales) ; de Paulette A., 79 ans, de Guipavas (Finistère) ; de Paulette B., 82 ans, de Parentis-en-Born (Landes) ; de Paulette A., 79 ans, de Vittel (Vosges) ; enfin de Paulette D., 56 ans, de Roubaix (Nord), la cadette du groupe.
Devant toutes, Michael Haziza prenait des accents de conseiller bancaire pour réclamer des numéros de compte et de carte de crédit, des codes d’accès, des cryptogrammes… La ruse lui a permis de subtiliser des sommes allant de 300 euros à 44 000 euros, au moyen d’un dispositif savant comprenant deux complices (dont son jeune frère), de fausses cartes d’identité, des puces téléphoniques « on/off » (permettant de générer cinq numéros différents) et des comptes en banque frauduleux. Les « Paulette » ne furent pas les seules à avoir été dupées durant cette période. Inscrits sur Leboncoin, des propriétaires de pièces d’or et d’objets précieux (montres, gourmettes…) ont été délestés de leurs biens, par les mêmes canaux, contre des chèques en bois.
Huit ans d’emprisonnement requis
Devant la cour, Michael Haziza a clamé son innocence, jurant n’avoir passé aucun appel « à ces dames », renvoyant l’organisation de la supercherie à ses ex-associés (condamnés à 6 et 18 mois de prison avec sursis en première instance) et à un mystérieux commanditaire en cavale. Comme l’a rappelé l’avocate générale, Isabelle Pagenelle, son casier judiciaire (huit mentions) ne plaide guère en sa faveur. Y figurent des condamnations pour des faits de même nature, prononcées en 2018 et 2019 à Paris et à Marseille. Les victimes se prénommaient alors déjà Paulette, mais aussi Simone, Liliane, Suzanne, Madeleine… Et la magistrate de mettre en garde le récidiviste : « Attention, les vieux prénoms reviennent à la mode. Une Paulette pourra avoir 5 ans, d’ici quelques années », a-t-elle lancé avant de requérir huit ans d’emprisonnement contre lui.
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