Sur la Côte d’Azur, l’échappée belle des oligarques ukrainiens


A Saint-Jean-Cap-Ferrat, le silence est quasi total. Seuls de légers bruits de travaux viennent perturber le décor de la presqu’île ­azuréenne, à une dizaine de kilomètres de Nice. On y trouve certains des joyaux les plus populaires de la Côte d’Azur, comme la villa Ephrussi de Rothschild et ses foisonnants jardins ou la villa Santo Sospir, aux murs peints par Jean Cocteau. Dans cette commune de 1 500 habitants, longtemps appréciée des Russes fortunés, ­d’imposants portails camouflent de pres­tigieuses bâtisses.

Sur les chemins sinueux et ombragés passe de temps à autre une voiture de luxe. Plusieurs d’entre elles affichent une plaque ­d’immatriculation ukrainienne, où les lettres « UA » soulignent un drapeau jaune et bleu. Depuis le début de l’invasion russe, elles sont si nombreuses que le quotidien Ukrainska Pravda a comparé Saint-Jean-Cap-Ferrat à Kontcha-Zaspa, le quartier de l’élite ukrainienne du sud de Kiev, au milieu d’une forêt. Même décor luxuriant, même discrétion.

Avenue de Verdun, devant une berline Mercedes blanche ukrainienne, un portail s’ouvre timidement sur une vaste piscine et une maison cubique, avec murs blancs et baies vitrées. Chaussons « welcome home » et cheveux retenus par un serre-tête, Alena – c’est ainsi qu’elle se présente – raconte dans un anglais approximatif comment elle est arrivée ici quelques semaines après le début de la guerre, avec sa famille. Sa fille s’accroche à sa jambe. La jeune femme dit avoir été « invitée par des amis » et explique partager son temps entre cette villa et les boutiques de Beaulieu-sur-Mer, à la sortie de la presqu’île. Sur ses activités en Ukraine, son quotidien, sa famille, elle refuse d’en dire plus. Elle referme le portail, l’échange a duré moins de dix minutes.

A quelques centaines de mètres, un agent de sécurité stationne le long d’un mur surmonté de caméras de surveillance. Selon la presse ­ukrainienne, la maison appartient à l’ancien député Viktor Pintchouk, un homme d’affaires connu pour ses liens avec de nombreuses personnalités politiques occidentales, de Tony Blair à Bill Clinton en passant par Dominique Strauss-Kahn. Propriétaire de plusieurs chaînes de ­télévision, il a fondé le think tank Yalta European Strategy, organisateur d’une grande conférence annuelle sur l’économie. Non mobilisable du fait de son âge, Viktor Pintchouk, 62 ans, est néanmoins ­critiqué pour avoir quitté son pays dès le début de l’invasion. Face à nos questions, son garde du corps esquisse un bref sourire : « Ici, rien ne rentre et rien ne sort. »

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