suspendues aux négociations, les familles d’otages entre angoisse et colère
Hadas Kalderon ne parle pas vraiment le français. Chez elle, comme dans beaucoup de familles franco-israéliennes, la langue s’est plus ou moins perdue au fil des générations. Mais dans son désespoir, quelques mots lui reviennent, comme des fragments qui remonteraient sous l’effet de l’urgence. « Sauvez mes enfants ! », supplie cette femme de 56 ans dont deux des quatre enfants sont prisonniers du Hamas depuis le 7 octobre. Sahar, 16 ans et Erez, 12 ans, font partie des 240 personnes kidnappées par le Hamas autour de la bande de Gaza. Ce matin-là, ils se trouvaient dans le kibboutz de Nir Oz chez Ofer, leur père, l’ex-mari de Hadas, enlevé lui aussi. Depuis, Hadas n’a plus aucune nouvelle. Sur l’immense photo qu’elle promène partout avec elle, on les voit sourire tous les trois, mais Hadas ne sait même pas s’ils sont encore ensemble.
Alors que les négociations sur les otages se sont accélérées ces derniers jours et seraient sur le point d’aboutir, selon diverses sources, qui évoquent un échange d’une cinquantaine de femmes et d’enfants contre une trève de plusieurs jours et la libération de prisonniers palestiniens détenus en Israël, Hadas insiste, en anglais cette fois : « Nous sommes français. Dites aux Français de ne pas nous oublier. » Le 23 octobre, elle a rencontré Emmanuel Macron, lors de la visite du président français en Israël. « Je lui fais confiance, affirme-t-elle. Il a d’autres préoccupations, mais je crois qu’il se bat pour mes enfants comme si c’était les siens. »
Il lui faut hausser la voix pour couvrir le tumulte qui règne autour d’elle, dans l’espèce de campement qu’ont installé des familles d’otages au pied de la tour Kirya, siège du commandement militaire. Chaque jour, des proches d’otages et des volontaires viennent ici agiter des cloches, brandir des panneaux et dire leur détresse, ou plutôt la hurler au micro : « Ramenez-les maintenant ! » Au fil des semaines, pourtant, leur douleur s’est muée en colère : non seulement leurs enfants, parents, frères, sœurs, cousins ne sont toujours pas revenus après quarante-six jours de captivité, mais les familles ont l’impression que leur sort n’est pas une priorité pour le gouvernement.
Le « désastre » d’un échange
Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a beau jurer le contraire, soutenant que le retour des otages représente une « mission sacrée », rien n’y fait. Il faut dire les événements tardent à donner tort aux mécontents. Quatre membres du parti d’extrême droite Otzma Yehudit, parmi lesquels le ministre de la sécurité nationale Itamar Ben Gvir, ont récemment demandé une modification de la loi israélienne en vigueur afin de pouvoir infliger la peine de mort aux terroristes. Un véritable brûlot, en pleines tractations sur la libération d’une partie des otages. Pris à partie par des familles, à la Knesset, l’un des promoteurs de cette proposition a vociféré, en direction de ses interlocuteurs, qu’ils n’avaient « pas le monopole de la douleur ». De son côté, le ministre Ben Gvir a déclaré, mardi 21 novembre à la télévision israélienne, que l’échange envisagé entre des otages israéliens et des prisonniers palestiniens en Israël serait « un désastre ».
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