« The Old Oak », la dernière tournée d’humanisme de Ken Loach


Yara (Ebla Mari) dans « The Old Oak », de Ken Loach.

SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION

Dernier film entré dans la compétition cannoise, il semble donc acté que The old Oak soit également le dernier à être réalisé par Ken Loach, qui a passé la barre des 86 printemps. On se méfiera, rien n’est jamais sûr avec les artistes, sociaux ou non. Homme et cinéaste engagé, héritier du « Free cinéma » dont il va vulgariser les attendus dans ses fictions documentées, Loach est devenu à lui seul une marque de fabrique durant les années 1990, l’auteur référentiel de la chanson de geste prolétarienne anglaise.

A cet égard, deux parmi ses premiers longs métrages – Kes en 1969 et Family life en 1972 – posent les jalons, à ce jour insurpassés par son auteur même, d’une œuvre qui enregistrera avec un vibrant humanisme les grandes mutations sociales de son temps, toujours du point de vue des plus faibles et des plus démunis. Il n’y a pas lieu de placer ce film potentiellement terminal ailleurs que sur ce territoire, dont il relève, sur le champ de ruines de la mémoire et de la splendeur ouvrières, les dernières vicissitudes en date.

Nous voici donc transportés dans une bourgade du nord de l’Angleterre en 2016, où le mouvement de la mondialisation, la désindustrialisation, la paupérisation des classes populaires, l’arrivée d’immigrés dans la détresse, ont jeté le peuple dans les bras d’idéologies prônant une forme plus ou moins radicale et violente de « préférence nationale ». Ce qui donne ici ceci : l’arrivée de femmes et d’enfants syriens, fuyant la folie meurtrière du régime, dans un ancien village minier ; l’accueil clairement découplé entre de jeunes nationalistes agressifs et une petite troupe de volontaires charitables. De fil en aiguille, une amitié inopinée se tisse entre TJ Ballantyne (Dave Turner), propriétaire du pub en voie de décomposition The Old Oak, et Yara (Elba Mari), une jeune femme qui a appris l’anglais dans les camps de réfugiés et le parle parfaitement.

Solidarité des vaincus

La rencontre entre ces deux personnages, à mesure qu’ils se connaissent, s’éclaircit : tous deux viennent d’un passé en ruines, tous deux tentent de se reconstruire. Ballantyne a vécu le désastre de la fermeture des mines. Sa femme l’a quittée. Son fils ne lui parle plus. Il tient un pub en piteux état qui n’en est pas moins le dernier lieu de sociabilité du village. Yara a dû quitter son pays, y laisser ses souvenirs, sa langue, et son père, dont elle ignore s’il est encore vivant. Cette vieille utopie de la solidarité des vaincus va toutefois se heurter à des difficultés autour desquelles se cristallisent la fable du film et le scénario du fidèle scénariste de Loach, Paul Laverty.

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