Twitter espère renouer avec les bénéfices en dépit des pannes et d’une image qui se dégrade


Aucun lien, aucune image, et des messages d’erreur à la pelle : ce lundi 6 mars, Twitter a été touché pendant plus d’une heure par une importante panne. La dernière d’une inquiétante série : en février, le service a connu quatre pannes d’ampleur moyenne, contre neuf pour l’ensemble de l’année 2022. Ces dysfonctionnements à répétition illustrent la crise dans laquelle s’enfonce l’entreprise, depuis son rachat par Elon Musk en octobre.

« Une petite modification sur l’API [interface de programmation] a eu des conséquences à grande échelle », a expliqué peu après Elon Musk, le PDG du réseau social. « Le code [de Twitter] est très fragile, sans que ça soit justifié. Il faudra à terme le réécrire complètement. » La « petite modification » évoquée par M. Musk était le fait d’une erreur d’un ingénieur, mais pour de nombreux commentateurs, elle trouve aussi et surtout son origine dans les vagues de licenciements décidées par M. Musk, qui a supprimé des centaines de postes dans les équipes d’ingénieurs du réseau social.

Selon les informations du média spécialisé Platformer, l’entreprise ne compte plus qu’un seul ingénieur chargé de la site reliability, la « stabilité de la plate-forme », dont le rôle est de contrôler les modifications apportées à Twitter pour éviter qu’elles aient des effets de bord désastreux. Les grandes plates-formes – dont Twitter jusqu’à son rachat par Elon Musk – ont généralement des équipes entières, parfois composées de plusieurs dizaines d’ingénieurs, pour jouer ce rôle. D’autres équipes au rôle technique crucial ont vu leurs effectifs fondre depuis la prise de contrôle du multimilliardaire, fin 2022, laissant craindre une multiplication des pannes dans les mois à venir.

Désaffection des annonceurs

D’autant que M. Musk vient de décider de nouveaux licenciements : le 26 février, le New York Times révélait que l’entreprise avait congédié 200 employés supplémentaires, soit environ 10 % de ses effectifs. Parmi eux, des ingénieurs, mais aussi des commerciaux et chefs de produits travaillant sur la monétisation de la plate-forme, et des soutiens revendiqués d’Elon Musk. Comme Esther Crawford, responsable produits de l’entreprise et l’une des rares cadres de la société qui ont accueilli l’arrivée de M. Musk avec enthousiasme, allant jusqu’à publier des photographies la montrant dormant dans son bureau pour tenir les cadences imposées par le nouveau patron.

Pour défendre son action, Elon Musk a toutefois affirmé mardi, lors d’une conférence organisée par la banque Morgan Stanley, que l’entreprise pourrait revenir à l’équilibre financièrement au deuxième trimestre. Ce redressement comptable serait davantage dû aux coupes budgétaires drastiques et aux licenciements massifs qu’à une hausse des revenus. Ceux-ci sont en forte baisse : fin décembre, dans un échange sur Twitter, M. Musk prévoyait un chiffre d’affaires d’environ 3 milliards de dollars (2,8 milliards d’euros) en 2023, contre 5 milliards en 2021, une année où l’entreprise avait pourtant perdu 221 millions de dollars… Or, le rachat a ajouté, côté dépenses, 1,5 milliard de dollars par an de remboursement d’intérêts de l’emprunt de 13 milliards contracté par l’entreprise. Sans les coupes massives, le déficit aurait pu donc bondir à 3,5 milliards de dollars, avait justifié à l’époque M. Musk, estimant la réserve de cash de Twitter à un milliard de dollars environ.

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Côté revenus, le problème est la désaffection des annonceurs, dont 500 auraient décidé de ne plus dépenser sur le réseau social, selon le site The Information. Or, la publicité constitue la quasi-totalité des revenus de Twitter, malgré le lancement récent d’un abonnement payant. Le chiffre d’affaires est donc en baisse de 40 % sur un an, ont confirmé des documents publiés en janvier par Platformer. Les marques sont notamment rebutées par la politique d’Elon Musk, qui a promis, au nom de la liberté d’expression, de moins modérer et a licencié des employés parmi les équipes chargées de supprimer les contenus problématiques, haineux ou diffamatoires. La Commission européenne fait d’ailleurs pression pour que Twitter se dote à l’avenir de moyens de modération suffisants, comme l’y obligera le règlement Digital Services Act dont l’entrée en vigueur est prévue en 2023.

Le tempérament impulsif d’Elon Musk rejaillit directement sur la manière de gérer l’entreprise

Le retour des annonceurs est de plus compliqué par l’image publique renvoyée par Elon Musk. Son tempérament impulsif rejaillit directement sur la manière de gérer l’entreprise. Pris à partie, sur Twitter, par un employé islandais qui expliquait ne pas savoir s’il était ou non licencié, M. Musk a répondu de manière méprisante, se moquant de cet ex-salarié et de son handicap – une dystrophie musculaire. Après un échange très agressif, qui a suscité énormément d’indignation en ligne, M. Musk a fini par supprimer certains de ses tweets moqueurs, avant d’expliquer avoir appelé son ancien salarié pour s’expliquer. « Parfois, il vaut mieux parler directement aux gens plutôt qu’envoyer des tweets », a reconnu l’homme aux 130 millions d’abonnés sur la plate-forme.

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Le 26 février, il avait déjà suscité de vives critiques en apportant son soutien au dessinateur de la série Dilbert Scott Adams, accusé de propos racistes envers la communauté noire américaine. Fin décembre 2022, sous la pression des investisseurs de ses autres entreprises, le dirigeant de Tesla et SpaceX avait été poussé à annoncer qu’il ne resterait pas PDG de Twitter. Mais mi-février, il a précisé dans une conférence à Dubaï (Emirats arabes unis) que son remplaçant n’arriverait pas « tard » dans l’année 2023, a rapporté CNBC. Il faut avant cela « stabiliser » l’entreprise, avait-il expliqué.





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