un document pédagogique à destination des enseignants



« Les « malgré-nous » ne furent pas des traîtres ». Ces mots de Nicolas Sarkozy, prononcés le 8 mai 2010 à l’occasion des soixante-cinq ans de la signature de l’armistice de 1945, furent une des premières reconnaissances politiques du sort des jeunes Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans l’armée allemande. « Les menaces de représailles qui pesaient sur leurs familles ne leur laissaient pas le choix. Ce furent des victimes. Des victimes du nazisme », avait-il poursuivi devant un parterre d’élus locaux réunis à Colmar.

La question de la reconnaissance des « malgré nous » vient de franchir un petit pas supplémentaire le mois dernier : le ministère de l’éducation nationale a publié sur son site Eduscol un document à destination des enseignants français, afin de « mettre en œuvre les programmes à travers le cas des incorporés de force ».

► Que comporte la fiche pédagogique du ministère ?

Pour ce faire, cette fiche de sept pages propose des « points d’entrées possibles dans les programmes » de la 3e générale à la terminale, en passant par les CAP et les classes de première professionnelle.

Après un rapide rappel du contexte historique, le document s’attarde sur l’histoire des incorporations et les enjeux mémoriels. Il soumet également des ressources pédagogiques aux enseignants, tels que des témoignages de rescapés ou des reportages de l’époque.

► Que demandaient les élus locaux ?

Cette publication fait à la suite de la mobilisation depuis plusieurs mois de députés locaux en faveur de l’instauration de ces événements dans les manuels scolaires. Or, les éditeurs s’inspirent librement des programmes élaborés par l’éducation nationale.

Un document en ligne, « c’est mieux que rien », commente le député (LR) du Bas-Rhin Patrick Hetzel auprès de La Croix, alors que cette fiche n’oblige pas les enseignants à aborder cette question avec leurs élèves. Avec plusieurs confrères, l’élu alsacien avait rencontré en février le ministre de l’éducation nationale Pap Ndiaye pour évoquer l’enjeu d’une telle intégration dans les programmes scolaires et, par extension, dans les manuels.

► Pourquoi l’inscription dans les manuels scolaires fait polémique ?

« Le phénomène de l’incorporation de force n’est pas uniquement un fait de l’histoire régionale de l’Alsace et de la Moselle, il concerne aussi l’histoire de France », argumente Patrick Hetzel. « En arrivant à inscrire ce fait historique dans les manuels, on lutte contre le risque de l’oubli ». Le député dénonce une certaine « méconnaissance » du sujet de la part de l’inspection académique au niveau national.

« Plusieurs manuels mentionnent déjà ce sujet », réfute de son côté Frédéric Stroh, docteur en histoire et professeur associé à l’université de Strasbourg. Une observation qui figure également en conclusion de la fiche : « la question des manuels scolaires, qui revenait continuellement dans la bouche de nombre d’anciens malgré-nous, est une illustration du décalage persistant entre la réalité et la perception. Depuis longtemps déjà, les ouvrages destinés aux lycéens accordent une place que l’on peut objectivement juger suffisante au cas de l’Alsace-Moselle ».

« On ne fera jamais trop de pédagogie sur ce sujet, surtout à l’échelle nationale », salue toutefois ce spécialiste du sort des « malgré nous » à l’échelle européenne. Et ce, alors que les rescapés de cette « page douloureuse de la France et de l’Alsace-Moselle », se font de plus en plus rares.



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