Un soir de première



Si l’on votait avec ses pieds, le sort de la réforme des retraites serait déjà scellé. Dans leur majorité, les Français la rejettent. Ce jeudi en a apporté la démonstration. À vrai dire, ce n’est pas un scoop : sondage après sondage, ils apparaissent braqués contre la principale mesure, le recul de l’âge légal. La mobilisation massive est indéniablement un succès pour les organisations syndicales. Leur front commun a payé, elles ont marqué les esprits. Mais la démocratie ne se joue pas seulement dans la rue. En réalité, les choses ne font que commencer.

Pour les habitués du théâtre social, ce jeudi ressemblait à un soir de première : le décor est planté, les acteurs ont leur texte bien en bouche, les postures sont un peu surfaites – dans les deux camps, chacun promet de faire preuve de « détermination ». Un rapport de force s’est installé. Le suspense tient à l’état gazeux de l’opinion publique : la mobilisation va-t-elle s’effilocher ou s’amplifier ? Les Français vont-ils se résigner ou se cabrer ?

Avec tout cela, on en oublierait presque l’autre scène sur laquelle l’action va désormais se jouer : le Parlement. Contrairement à ce qu’affirment certains membres de l’opposition, les députés élus il y a moins de huit mois ont évidemment la légitimité pour voter une réforme qui avait été annoncée pendant la campagne présidentielle. Pour l’heure, le gouvernement tient une majorité, grâce au soutien des Républicains. Mais il peut difficilement faire comme s’il ne s’était rien passé ce 19 janvier. Élisabeth Borne a d’ailleurs assuré que son texte était amendable. La voie est étroite : la moindre concession peut lui faire perdre le soutien de LR. Il ne lui resterait alors plus que l’arme ultime du « 49.3 », dont l’usage serait politiquement bien hasardeux après la démonstration de force d’hier.



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