une information judiciaire ouverte à Paris


Le 26 septembre 2021, jour de retrouvailles avec sa mère biologique à Bamako, Marie Marre découvre le visage de Benoît, son frère de sang, adopté à l’âge de 1 mois par une famille française en 1989. A force de recherches, la médecin malienne est parvenue à récolter des centaines d’éléments sur les méthodes troubles de l’association Rayon de soleil.

Une juge d’instruction parisienne enquête depuis la mi-avril sur la plainte de sept Français dénonçant leur adoption au Mali, organisée selon eux frauduleusement par une association habilitée, a appris vendredi 26 mai l’Agence France-presse (AFP) de source proche du dossier. Cette plainte avec constitution de partie civile, après une première plainte simple classée par le parquet de Paris, vise l’association Le Rayon de soleil de l’enfant étranger (RSEE), et une ancienne responsable locale, Danielle Boudault, pour des faits, révélés par Le Monde, qui se seraient produits entre 1989 et 1996, lesquels concernent des enfants nés au Mali entre 1984 et 1993.

Les plaignants accusent l’association et son ancienne responsable d’avoir « dupé les parents biologiques maliens (…) et les parents adoptifs français ». Après de longs démêlés procéduraux, une magistrate parisienne a estimé le 17 avril qu’une partie des faits reprochés était prescrite, mais elle a accepté d’enquêter sur l’infraction de recel d’escroquerie.

« Aucun élément ne permet de déterminer si cette infraction est prescrite, dans la mesure où l’association RSEE est toujours active et qu’il n’est pas établi que l’association ait cessé de détenir les fonds versés par les parents adoptifs français ou que ces fonds aient été réemployés au profit de tiers de bonne foi », souligne la juge, selon une ordonnance dont l’AFP a eu connaissance. Les plaignants, des enfants adoptés, « ont subi un préjudice en voyant leurs liens de filiation bouleversés et en ayant été déracinés de leurs pays d’origine », note la juge.

« Laisser-aller »

« L’ouverture de cette information constitue un soulagement pour les victimes : après des années d’errements, la justice française semble enfin prendre la mesure des conséquences humaines et sociales du laisser-aller de l’adoption internationale », ont déclaré à l’AFP les avocats des plaignants, Mes Noémie Saidi-Cottier et Joseph Breham.

Selon eux, le système mis en place par RSEE permettait en France une adoption plénière, mais qui n’était que temporaire du côté malien, conformément à une disposition prévue dans la loi de ce pays sous le nom « d’adoption-protection ». Les parents biologiques pensaient donc que ces adoptions ne dureraient que le temps des études de leurs enfants et que ceux-ci reviendraient au Mali par la suite. Dans d’autres cas, l’enfant était directement présenté comme abandonné à la justice malienne, qui prononçait leur adoption pleine, confirmée ensuite par la justice française.

Des soupçons autour de cette association, d’une autre de ses antennes locales et d’ex-collaborateurs de Danielle Boudault avaient déjà été relayés par des médias maliens en 1993. Le ministère des affaires étrangères a récemment retiré son habilitation à RSEE « en raison de ses activités passées ». L’association a confirmé sur son site qu’elle « cessera ses activités d’adoption internationale le 27 décembre 2023 » et qu’elle contestait cette décision.

Le Monde avec AFP



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