À un an du 80e anniversaire du Débarquement, des « reconstituteurs » de plus en plus pointus


« Descendez, il va falloir pousser », lance le conducteur d’une Jeep à des militaires français de passage ce 6 juin au camp reconstitué de l’ancien site fortifié Hillman, à Colleville-Montgomery, près de Ouistreham (Calvados). Les soldats s’exécutent pour faire démarrer le véhicule de collection lors des commémorations du 79e anniversaire du Débarquement. « Ici, on fait notre feu de bois et on chauffe notre gamelle comme à l’époque », souligne même André, attablé sous une tente de premiers secours. Ce passionné sourit en prenant des nouvelles du mannequin alité à côté de lui : « Il a pris des éclats d’obus… »

Comme à chaque anniversaire du Jour-J, collectionneurs et reconstituteurs sont fidèles au poste. « C’est ma 5e année au camp et c’est de plus en plus suivi », confirme Jérôme, venu de Seine-Maritime avec son uniforme de la 101e Airborn américaine. 2023 devait être un anniversaire moins spectaculaire avant l’effervescence du 80e l’année prochaine ? « On pensait à une petite année et finalement non, avec en plus la venue d’Emmanuel Macron à Colleville-Montgomery. Quand on voit ça, on se demande ce que ce sera pour le 80e », se projette Richard Hulin, le président de l’association Les amis du Suffolk regiment, l’unité britannique qui libéra le site fortifié allemand.

Le camp reconstitué de l'ancien site fortifié Hillman, à Colleville-Montgomery.
Le camp reconstitué de l’ancien site fortifié Hillman, à Colleville-Montgomery.

Au camp, les passionnés viennent d’une large moitié Nord du pays encore cette année. Voire de plus loin, comme des Anglais qui ont même creusé quelques tranchées autour de plusieurs tentes militaires. L’ambiance nous replonge en 1944 au milieu d’une position britannique. De plus en plus britannique, d’ailleurs, selon Philippe, Christophe, Marc et Jean, assis en costume d’époque non loin d’une mitrailleuse : « Les reconstituteurs s’adaptent de plus en plus au secteur où ils se trouvent. On en voit davantage avec des habits Anglais et Français. C’est bon signe ». Ce sont en effet des unités de ces nationalités qui avaient débarqué sur Sword Beach.

Moins de folklore, plus de puristes

Ces efforts résulteraient d’un tournant progressif ces dernières années : moins de folklore et plus de réalité historique. « On a de plus en plus de puristes », appuie Richard Hulin. Au point que les visiteurs « sont toujours plus intéressés et nous posent beaucoup de questions », témoigne André. Dans son infirmerie, il leur présente, avec quelques pièces d’époque, les instruments et produits de soins et d’intervention dans ces baraquements de médecine de guerre. « Il y a des petites scènes reconstituées, des vitrines, des tentes, des tranchées, même une petite tombe… » En contrebas, les blockhaus d’origine se visitent. Les curieux sont immergés dans une atmosphère qui se rapproche assez près de la réalité. « C’est concret et visuel, acquiescent des touristes haut-normands. On s’est remis l’Histoire en tête en visitant des musées et les plages mais ici, c’est sérieux. On se projette. »

Certes, Jean, près de la mitrailleuse, met en garde : « C’est comme partout, il y a des gens plus ou moins sérieux. Dans le secteur américain (plus à l’Ouest), on en trouve encore qui s’habillent et portent des fusils comme s’ils étaient dans un jeu vidéo. » Mais de l’avis général, au camp, les reconstituteurs se voient porteurs d’une véritable mission de transmission : « Plusieurs vétérans nous ont dit que nous serons leurs messagers quand ils ne seront plus là », témoignent Jean et ses compagnons. Près de son véhicule de collection, Jérôme apprécie même « transmettre des choses aux militaires qui viennent visiter le camp. Ils connaissent les grandes lignes mais pas certaines histoires. »

Un pic de visiteurs attendu l’an prochain

C’est donc avec une grande détermination et un crédit historique vivifié que les reconstituteurs abordent l’immense rendez-vous de 2024. « Je pense que nous allons vers un 80e anniversaire très festif car on sent une impulsion nationale pour ces commémorations. On l’a aussi vu pour celles de la Première Guerre mondiale », estime Richard Hulin. Le président de l’association des Amis du Suffolk regiment s’attend à des pics à plus de 1000 visiteurs par jour l’année prochaine, là où il n’y en avait que « 250 à 300 il y a une dizaine d’années ». Les sites majeurs du Jour-J et de la bataille de Normandie verront défiler nombre de véhicules et de personnes en habits militaires et civils d’époque. Bien plus encore que cette année où « certains se sont ménagés pour 2024, entre autres à cause du prix du carburant. Un Dodge de collection, ça consomme énormément », rappelle un reconstituteur. Jérôme pronostique même la venue « de Belges avec du matériel rare ». Après la répétition de 2023, l’année prochaine promet une liesse d’époque d’une grande intensité.



Lien des sources