Affaire Joël Guerriau : mise en retrait, indemnités… que dit le règlement quand un sénateur est mis en examen ?

Joël Guerriau est plus que jamais persona non grata. Le président du Sénat Gérard Larcher a appelé ce lundi l’élu de Loire-Atlantique à « se mettre en retrait de toutes ses activités liées à son mandat de sénateur ». Joël Guerriau, déjà suspendu par son groupe parlementaire et par le parti Horizons, est soupçonné d’avoir drogué la députée Sandrine Josso afin d’abuser d’elle. Il « a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire », rappelle également le communiqué de la présidence du Sénat.
Ce dernier ajoute que « le sénateur étant un justiciable comme les autres, il doit répondre de ses actes devant le juge » tout en mentionnant que « la présomption d’innocence » s’applique à Joël Guerriau. Mais que prévoit le règlement dans ces cas-là ? Le Parisien fait le point.
Joël Guerriau est-il couvert par l’immunité parlementaire ?
« L’immunité parlementaire ne fait pas obstacle à l’ouverture d’une enquête, ni même à l’engagement des poursuites », rappelle le site du Sénat. Joël Guerriau, comme tout sénateur, n’était donc pas protégé contre l’ouverture de l’enquête.
L’immunité parlementaire est elle définie par l’article 26 de la Constitution. Elle se distingue entre les principes d’irresponsabilité – qui protège le sénateur dans l’exercice de ses fonctions, notamment sur ses opinions ou ses votes – et l’inviolabilité, qui s’applique au cas de Joël Guerriau. La Constitution définit cette dernière ainsi : « Aucun membre du Parlement ne peut faire l’objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du bureau de l’assemblée dont il fait partie » . Le bureau du Sénat – composé de 26 personnes – peut donc voter la levée de l’inviolabilité.
Sauf qu’ici, il n’a pas eu à le faire. Une enquête de flagrance a été ouverte à l’encontre de Joël Guerriau, les faits lui étant reprochés venant d’être commis. « L’autorisation de levée de l’inviolabilité n’a pas à être demandée au bureau du Sénat dans ce genre de cas », explique Christophe Boutin, professeur de droit public à l’Université de Caen Normandie. Autrement dit : le principe d’inviolabilité ne s’applique pas lorsqu’une enquête de flagrance est ouverte.
Et si Joël Guerriau est blanchi à la suite de la procédure judiciaire ? « Les règles classiques s’appliquent à nouveau », assure Christophe Boutin. En clair, il récupère son immunité parlementaire et il redevient un sénateur comme les autres, à condition qu’il n’ait pas démissionné entre-temps.
Pourquoi n’est-il pas suspendu par le Sénat ?
Dans son communiqué, Gérard Larcher demande à Joël Guerriau de « se mettre en retrait ». « Le président du Sénat ne peut pas suspendre un sénateur », assure Christophe Boutin. Ce que confirme la présidence de la chambre haute d’après qui, « seule la justice pourrait, le cas échéant, le démettre de son mandat parlementaire, à l’issue de la procédure pénale ».
VIDÉO. Le sénateur Joël Guerriau en garde à vue, soupçonné d’avoir drogué une députée en vue d’une agression sexuelle
Joël Guerriau peut donc continuer à exercer ses fonctions, rien ne l’interdisant dans le texte du Parlement. Suspendu par son groupe parlementaire, il devra néanmoins siéger parmi les non-inscrits. « Ce qui ne le force pas à démissionner du bureau du Sénat », souligne Christophe Boutin, Joël Guerriau étant « secrétaire au bureau du Sénat et vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ». Seul changement : une perte de poids politique. « Il lui sera par exemple plus compliqué de poser des questions au gouvernement » les groupes étant prioritaires, relève Jean-Philippe Derosier, professeur de droit à l’université de Lille et constitutionnaliste.
Seul un juge pourrait contraindre Joël Guerriau à quitter ses fonctions. « S’il est condamné pénalement et que la justice ajoute une peine d’inéligibilité, il perdra d’office son mandat », explique Christophe Boutin. « Il faut néanmoins que la peine soit définitive (après tous les recours envisageables) et constatée par le Conseil constitutionnel », précise Jean-Philippe Derosier. Il pourrait dans ce cas se représenter à de futures sénatoriales si la peine d’inéligibilité à son encontre a expiré au moment de ces élections.
Continue-t-il de toucher ses indemnités ?
Oui. « Son indemnité est liée à son travail de sénateur, il ne la perdra que s’il démissionne, confirme Jean-Philippe Derosier. Selon le site du Sénat, celle-ci s’élevait au total à 7 605,70 euros brut au 1er juillet 2023, à laquelle s’ajoutent d’autres indemnités liées à ses fonctions au sein du bureau du Sénat.
« S’il se met en retrait, qu’il ne siège plus ou qu’il n’émarge plus aux réunions où il doit être, des mesures de réductions de salaire peuvent être prises », poursuit Jean-Philippe Derosier. D’après Christophe Boutin, cela peut aller d’une partie de son salaire à sa totalité.