Aube : la rénovation des barrages du lac d’Orient, qui limite l’effet des crues de la Seine à Paris, est lancée


Le 8 octobre dernier, la préfecture de l’Aube a organisé un séminaire destiné aux maires du département. Le thème était de bon aloi : la rupture de barrages des lacs réservoirs Aube (lacs Amance et du Temple) et Seine (lac d’Orient) et ses conséquences pour la population auboise. Pour le lac d’Orient, construit en 1966, par exemple, la submersion pourrait entraîner l’évacuation de 120 000 Aubois, plus d’un tiers des habitants du département. Le niveau de la Seine pourrait aussi s’élever de 5 m, provoquant l’inondation du centre-ville de Troyes (Aube). Une perspective effrayante pour le département. « Ça serait la catastrophe absolue pour les populations », résume Patrick Ollier, président de Seine Grands Lacs. Une catastrophe qui aurait aussi, en aval, des conséquences pour les autres villes qui bordent la Seine, dont Paris.

Des travaux ont ainsi été engagés pour remédier aux dégâts du temps, qui a particulièrement affecté trois des cinq barrages, Beaumont, Chavaudon et surtout La Morge, le principal, situé à proximité de la commune touristique de Mesnil-Saint-Père (Aube). Les premiers coups de pelle ont débuté dès septembre sur les digues de La Morge et de Beaumont. La pose d’une première pierre symbolique a été réalisée ce mercredi 16 octobre 2024 par Patrick Ollier et les partenaires financiers du projet.

« L’équipement a vieilli. Des fissures et des cavités sont apparues, et le revêtement bitumeux a disparu ou s’est affaibli à cause de la houle ou du ressac », confirme Patrick Ollier, également président de la Métropole du Grand Paris et maire de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine). Pour remédier à ce problème, Seine Grand Lac a prévu une vaste opération de réhabilitation des ouvrages concernés. Pas moins de 25 millions d’euros de travaux ont été budgétés, dont un peu plus de la moitié pour le gestionnaire, le restant étant complété par l’État, la région Grand Est, l’Union européenne et l’Agence de l’eau Seine-Normandie. Des travaux qui devraient durer entre 3 et 4 ans, selon la météo. « On va essayer d’accélérer le plus possible, car je suis parfaitement conscient que ces travaux embêtent tout le monde ! », souligne Patrick Ollier, en espérant 50 années de tranquillité à l’issue du chantier.

La première vidange intégrale depuis 2008

Sylvain Chevalier, maître d’œuvre chez ISL Ingénierie, développe le problème : « On a actuellement une surface avec un béton bitumineux de 7 cm d’épaisseur. À chaque saison, les vagues viennent buter contre le matériau vieux de plus d’une cinquantaine d’années, et enlèvent le filtre situé en dessous, en laissant du vide. » Pour éviter que ces cavités problématiques ne réapparaissent dans quelques décennies, une technique d’enrochement a été choisie pour stabiliser, renforcer et sécuriser les digues : 250 000 tonnes de pierres vont ainsi être acheminées depuis la carrière de Vignory (Haute-Marne), avec également un intérêt écologique d’habitat pour les poissons. Un chantier qui devra tenir compte du marnage, la différence de niveau d’eau selon les saisons et les crues, avec un planning à adapter à tout moment. « Il faut pouvoir quitter le chantier en 48 heures. On ne peut pas prévoir de mettre les enrochements du bas à n’importe quelle période », explique Sylvain Chevalier.

D’où un calendrier assez précis des travaux, afin de pouvoir aller jusqu’au pied du barrage, habituellement toujours sous l’eau. « Pour cette phase qui est la plus délicate, on va faire une vidange décennale. On va vider complètement le lac, ce qui n’est pas arrivé depuis 2008 », précise Marc Delannoy, directeur des aménagements hydrauliques de Seine Grand Lac. Une phase cruciale du chantier qui interviendra du 1er novembre au 15 décembre 2025, sauf si des pluies trop importantes se font sentir sur le territoire. « Tout l’enjeu, c’est de conserver l’ouvrage en service, tant pour l’étiage (pour soutenir le débit des cours d’eau) que la gestion des crues. Si nécessaire, on repoussera d’une année ces travaux en pied de barrage et on jonglera pour intervenir sur d’autres parties de l’ouvrage », ajoute-t-il.

La protection de l’environnement au cœur du chantier

À ce stade, la fin des travaux est espérée en février 2027. D’ici là, tous les acteurs du chantier vont s’efforcer de limiter au maximum ses nuisances, à commencer par la circulation indispensable des camions pour apporter les roches. Mais aussi les conséquences de la vidange décennale sur l’environnement et l’activité humaine. « Il va falloir surveiller la qualité physico-chimique de l’eau et réaliser des pêches de sauvegarde », détaille Patrick Ollier. « On va devoir réaliser des pêches de sauvegarde, suivre les oiseaux nicheurs avec la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et le Parc naturel régional de la Forêt d’Orient, et il y a la mise en place d’une gestion spécifique du lac réservoir Aube qui permettra une activité de pêche prolongée. » Des engagements que Seine Grand Lac s’engage à suivre.

Enfin, si la saison estivale devrait être épargnée par les interventions les plus lourdes, il y aura forcément quelques nuisances pour l’activité touristique pendant l’année. « Dès lors que vous videz le lac ou qu’il y a des travaux autour, les touristes qui se promènent autour seront forcément gênés, et les activités ludiques du lac également… On va faire en sorte que cette gêne soit la moins longue possible », promet Patrick Ollier. Pas de débat du côté de Mesnil-Saint-Père : « Ces travaux sont nécessaires et devaient être réalisés », conclut le maire de la commune, Pascal Henry.



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