« Ça a fait super mal » : à 11 ans, il dénonce un viol commis par un autre enfant au sein de sa famille d’accueil


« Il a pris mon zizi ». Ces mots terriblement enfantins sont ceux d’Ahmed*, 10 ans, enregistrés par sa grand-mère à qui il conte les attouchements et viol qu’il dit avoir subis de la part d’un autre enfant durant des vacances au sein de la famille d’accueil où il a été placé. Une première plainte a été déposée en juillet 2022, suivie d’une seconde, avec constitution de partie civile cette fois, déclenchant automatiquement l’ouverture d’une instruction par le parquet de Bordeaux (Gironde). Patricia, 43 ans, la mère du petit garçon, se bat depuis pour que sa parole soit entendue et que la justice se penche sur cette affaire de viol sur mineur par mineur, qu’elle sent « délaissée ».

Fin 2019, en raison de violences au sein de la fratrie, les quatre enfants de Patricia, âgés aujourd’hui de 9 à 19 ans, sont placés. Ahmed a 7 ans et se retrouve séparé de ses frères et sœur dans une famille d’accueil de Gironde, qui abrite dans son foyer au moins un autre mineur, Thomas, âgé de 14 ans.

« Après j’ai dit Ok mais alors je le touche juste »

En 2022, le petit garçon, qui souffre de troubles de l’attention, se confie à sa grand-mère sur des vacances passées à la montagne avec sa famille d’accueil. L’aïeule saisit son téléphone et enregistre, abasourdie, les propos que lui tient son petit-fils. Elle comprend qu’Ahmed, en échange de pouvoir jouer sur le téléphone de son agresseur, a été violé. « Il m’a demandé si je pouvais mettre son zizi dans ses fesses et après j’ai dit Non », relate de façon parfois confuse le garçonnet dans la conversation, retranscrite et jointe dans la plainte que nous avons consultée.

Selon le récit d’Ahmed, la scène se serait déroulée dans l’une des chambres de la maison de vacances. Ahmed « en pyjama » et Thomas « en caleçon » dorment dans le même lit. Thomas aurait exercé un chantage sur le petit garçon : « Il a dit Tu le fais sinon je te donnerais pas… sinon tu joueras pas sur mon téléphone. » Alors Ahmed se serait exécuté : « Après j’ai dit Ok mais alors je le touche juste (…) et après je l’ai touché et pile au moment où je l’ai touché, il a pris mon zizi et il l’a enfoncé et pile au moment où il l’a enfoncé, il l’a ressorti et ça a fait super mal ».

« Les trucs sexuels ça se dit pas »

La scène aurait été interrompue par l’intervention d’un adulte, sans que l’on sache, toujours selon le récit du petit garçon, s’il a pris conscience des gestes échangés par les enfants. Thomas aurait ensuite enjoint Ahmed à ne rien dire, toujours avec la menace de ne plus pouvoir jouer avec le portable. Et puis, « de toute façon, c’est un truc sexuel, les trucs sexuels ça se dit pas », résume Ahmed, presque désinvolte, à sa grand-mère.

Dès qu’elle a connaissance du récit de son fils, Patricia dépose plainte dans un commissariat bordelais. « On me fait miroiter qu’il y a une enquête mais je n’ai aucun résultat », se désole la mère de famille qui se bat en parallèle pour récupérer la garde de ses deux cadets. On ne sait pas si l’adolescent mis en cause ou la famille d’accueil ont été entendus.

Dès la dénonciation des faits en juillet 2022, une enquête préliminaire a été ouverte. Et une instruction est ouverte depuis le dépôt de plainte avec constitution de partie civile en juin 2023, nous indique le parquet de Bordeaux.

Mais ce dossier est « scandaleux », dénonce Me Tarek Koraitem, conseil de Patricia : « Si on n’avait pas déposé cette nouvelle plainte, il ne se passerait rien. Nous n’avons aucun retour ». Selon lui, « il y a une grande légèreté dans le traitement de cette affaire »

« On est censés prendre au sérieux ce genre d’accusations »

« Quand un enfant dit avoir été violé, l’autorité judiciaire devrait faire son travail. La moindre des choses serait qu’une enquête soit menée et que quelqu’un accorde un peu d’importance aux propos de cet enfant, poursuit l’avocat. On est censés prendre au sérieux ce genre d’accusations »

D’autant qu’on ne sait pas ce qu’est devenu, Thomas. Est-il déjà connu pour des faits similaires ? Est-il resté au sein de la famille d’accueil ? Cette dernière a-t-elle conservé son agrément ?

Et c’est ce qui est supposé se produire dans ce genre de situation. « La parole de l’enfant est prise en compte immédiatement, indique le département de Gironde, en charge de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Les enfants sont séparés, on informe le procureur et on invite la famille à déposer plainte. Puis, tous les professionnels qui accompagnent la famille se réunissent en commission et le projet des enfants est revu ». La famille d’accueil, responsable de la sécurité des enfants, peut ensuite être sanctionnée voire se faire retirer son agrément.

« On ne veut pas de peine de prison à tout prix. Ce sont des enfants qui ont besoin d’aide et qui ont censés être aidés », réclame Me Tarek Koraitem.

*Les prénoms des protagonistes ont été changés



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