« Ça aide à dédramatiser » : à Paris, un village festif de la solidarité pour les étudiants précaires


C’est un village solidaire aux allures de kermesse qui s’est tenu toute la journée de samedi place de la Bastille à Paris (IVe). Une enceinte installée au milieu de la place, sous un soleil de plomb, diffuse les tubes du rappeur Tiakola. Derrière les tables sur lesquelles sont disposés boîtes de conserve et kits alimentaires, les dizaines de bénévoles font des pas de danse, se chambrent en riant. Et les étudiants ont le sourire.

On n’oublie pas pour autant ce qui a poussé plus de 1 200 jeunes venus de Paris et d’Île-de-France à s’inscrire à ce deuxième rendez-vous du « Village des Cop1 », organisé par l’association Cop1 Solidarité Étudiante en partenariat avec 15 autres acteurs associatifs. Ces jeunes précaires, dont une majorité d’étudiants étrangers, font la queue pour récupérer des produits frais, des pâtes, des kits d’hygiènes, des produits cosmétiques… mais aussi pour aller à la rencontre des bénévoles afin d’être accompagnés sur diverses thématiques, de l’accès au droit à un soutien psychologique.

50 euros pour finir le mois

« Le côté festif de l’événement, ça aide à dédramatiser la distribution », estime Babacar, un des membres fondateurs de l’association On remplit le frigo, créée en 2021 en pleine épidémie de Covid et présente au village pour distribuer plus de 1 500 boîtes de conserve et 3 000 barres de céréales. « On chante, on danse, on essaie de mettre les gens à l’aise et on les aide comme s’ils n’étaient pas en galère », poursuit-il. « Ici, on ne se sent pas dans le besoin, confirment Rym, 28 ans, et son mari Aghiles, 30 ans, tous les deux étudiants dans le digital à Cergy (Val-d’Oise). Et on se dit que quand on sera plus à l’aise et indépendants, ça sera notre tour de donner un coup de main ».

C'est la deuxième fois en 6 mois que l'association Cop1 organise son village solidaire. 1 000 étudiants s'étaient inscrits. Ils étaient plus de 1 200 ce samedi.
C’est la deuxième fois en 6 mois que l’association Cop1 organise son village solidaire. 1 000 étudiants s’étaient inscrits. Ils étaient plus de 1 200 ce samedi.

Avec leur école à 11 500 euros l’année chacun, plus 1 000 euros de loyer mensuel à Courbevoie (Hauts-de-Seine) et deux passes Navigo, le couple d’étudiants algériens vit avec à peine 50 euros par mois. « On s’en sort grâce à ces opérations solidaires », explique Rym, qui indique se rendre à des distributions alimentaires au moins deux fois par mois. Ce samedi, les jeunes mariés repartent avec un cabas plein de produits secs et de fruits et légumes, des cosmétiques et des protections hygiéniques pour Rym. « Ça devrait nous faire tenir une semaine », espère Aghiles.

Au cœur de l’actualité lors des confinements successifs de 2020 et 2021, le sujet de la précarité étudiante reste brûlant et le contexte inflationniste actuel n’arrange rien. « Je me suis rendu compte que mon ticket de caisse avait explosé », témoigne Araceli, étudiante espagnole en management à La Sorbonne, venue bénéficier de l’aide pour la première fois.

Plus de 30 000 étudiants « en galère » dans la capitale

En décembre dernier, le premier « Village des Cop1 » organisé place du Louvre (Ier) avait permis à 1 000 étudiants de bénéficier de l’aide des associations. « Mais les besoins augmentent », constate amèrement « JR », 24 ans, directeur général de Cop1, qui compte 9 antennes partout en France. « 80 % de nos bénéficiaires travaillent à côté de leurs études, mais ça ne suffit pas et en fin de licence, beaucoup hésitent à poursuivre leur cursus ».

Selon une étude réalisée par l’association à l’automne 2022, plus d’un étudiant sur deux indique ne pas pouvoir manger à sa faim, et 1 sur 3 ne se nourrit que d’un repas par jour. Cop1 prépare notamment plusieurs études pour actualiser les chiffres de la précarité étudiante en France, dont les derniers remontent à 2020, avant la pandémie « On estime à près de 30 000 le nombre d’étudiants en galère rien qu’à Paris aujourd’hui », souligne le directeur de l’association.

Pour les bénéficiaires qui n’ont pas pu se rendre à Bastille ce samedi, 4 distributions hebdomadaires sont assurées par les bénévoles de Cop1 à Paris : le mercredi à Censier (Ve), les jeudis et vendredis à la maison des initiatives étudiantes (MIE) de Bastille (IIIe), et le samedi aux Amarres, quai d’Austerlitz (XIIIe).



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