Donald Trump inculpé : ce que l’on sait de sa comparution en justice, une première pour un président américain


La nouvelle est retentissante. Jeudi, le milliardaire républicain Donald Trump a été inculpé dans une affaire d’achat du silence d’une star du porno en 2016 et devrait comparaître la semaine prochaine, mardi, devant la justice pénale de New York.

Un fait historique sans précédent pour un ancien président américain, qui a dénoncé une « persécution politique ». Après avoir tenu en haleine l’Amérique pendant dix jours, cette inculpation historique semblait encore jeudi ne pas devoir survenir avant fin avril. Voilà ce que l’on en sait ce vendredi.

Pourquoi cette inculpation ?

L’ancien locataire de la Maison Blanche, qui rêve de la reconquérir en 2024, est officiellement inculpé par le procureur de Manhattan Alvin Bragg, dépendant de la justice de l’État de New York, pour une affaire de versement et de remboursement, juste avant la présidentielle de novembre 2016, de 130 000 dollars à l’actrice et réalisatrice de films X, Stormy Daniels. La somme n’avait pas été déclarée dans les comptes de campagne du candidat républicain en violation des lois électorales de l’État, et enregistrée comme « frais juridiques » dans les comptes de son entreprise, dont le siège est à New York.

Depuis des années, la justice new-yorkaise cherche à déterminer si l’ex-président républicain de 76 ans s’est rendu coupable de fausses déclarations, une infraction mineure, ou de manquement aux lois sur le financement électoral, un délit pénal, en ayant versé de l’argent à Stormy Daniels, juste avant sa victoire à la présidentielle de novembre 2016, pour que celle-ci taise une supposée relation extraconjugale datant de 2006.

L’homme-clé du dossier s’appelle Michael Cohen : ancien avocat de Donald Trump devenu son ennemi, il avait payé Stormy Daniels en 2016 et s’était fait rembourser. Après une peine de prison, il collabore à l’enquête à partir de fin 2018 et a témoigné plusieurs fois devant le grand jury

CNN évoque une trentaine de chefs d’inculpation visant Donald Trump et tournant autour de fraudes pour dissimuler la circulation et la comptabilité fin 2016 des 130 000 dollars. Cet acte et les poursuites restent pour l’instant « sous scellés ».

Comment l’inculpation a-t-elle été votée ?

En janvier, le procureur démocrate de Manhattan Alvin Bragg avait confié ce dossier à un grand jury. Aux États-Unis, un grand jury est composé de citoyens tirés au sort qui sont chargés d’enquêter en toute confidentialité afin de déterminer s’il existe suffisamment d’éléments pour lancer des accusations formelles contre un suspect.

Après avoir entendu plusieurs témoins, le grand jury avait invité à la mi-mars Donald Trump à s’exprimer, ce qui avait indiqué qu’il s’apprêtait à boucler ses travaux. L’ex-président avait refusé, tout en appelant ses partisans à manifester contre sa prochaine « arrestation ».

Jeudi, le grand jury s’est retrouvé à 14 heures (18 heures GMT) en présence de trois procureurs en charge du dossier, selon le New York Times. Après trois heures de discussions à huis clos, il a adopté un acte d’accusation dont les charges n’ont pas été rendues publiques.

Quelle est la prochaine étape ?

Donald Trump devra donc se « rendre » au tribunal de Manhattan pour la lecture de l’acte d’accusation par un juge, être brièvement et symboliquement placé « en état d’arrestation », photographié et ses empreintes digitales relevées. Il devra plaider coupable ou non coupable.

« Nous nous attendons à ce que la lecture de l’acte d’accusation ait lieu mardi », a déclaré son avocate Susan Necheles dans un courriel à l’AFP. Un porte-parole du parquet local avait indiqué auparavant avoir organisé avec la défense de Donald Trump « sa reddition devant le procureur du district de Manhattan pour une audience d’inculpation devant une cour suprême », un tribunal, selon un communiqué publié après le vote d’un grand jury – un panel de citoyens aux pouvoirs d’enquête qui travaille de concert avec des procureurs – en faveur de cette inculpation.

S’il refusait de se présenter, il pourrait être arrêté et il faudrait alors « l’extrader » de Floride, où il vit, vers New York, chaque État ayant son propre système judiciaire.

Un pas de plus vers un procès ?

Il est probable que les avocats de Donald Trump engagent une guérilla judiciaire pour tenter de faire invalider son inculpation, peut-être en plaidant que l’enquête était à charge ou un vice de forme.

S’ils n’y parviennent pas, le cours normal de la justice prévoit trois scénarios après une inculpation : soit les charges sont abandonnées, soit l’accusé peut passer un accord avec les procureurs et accepter de plaider coupable pour s’éviter un procès et obtenir une peine plus légère, ou bien la justice organise un procès, mais doit auparavant respecter plusieurs procédures, avec diverses audiences préalables. Là encore, il est probable que les avocats de Donald Trump usent de tous les leviers possibles pour retarder cette échéance.

Comment Trump a-t-il réagi ?

Le 45e président des États-Unis a brocardé dans un communiqué une « persécution politique et une ingérence dans l’élection » présidentielle de 2024. Il a dénoncé une « chasse aux sorcières » qui « se retournera contre Biden », le président démocrate élu en novembre 2020 et que Donald Trump accuse depuis plus de deux ans d’avoir « volé » sa victoire.

Sur son réseau social Truth Social, le milliardaire, qui a bouleversé depuis 2015 le système politique et l’équilibre des pouvoirs aux États-Unis, a torpillé des adversaires qu’il n’a pas nommés : « Ils me poursuivent de manière bidon et honteuse parce qu’ils savent que je suis aux côtés du peuple américain et que je ne peux pas bénéficier d’un procès équitable à New York ! », sa ville natale majoritairement démocrate.

Et son camp ?

L’un des rivaux républicains de Trump pour 2024, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, a jugé cette inculpation « contraire aux valeurs de l’Amérique » et assuré que son État, où réside l’ancien président, ne répondrait pas favorablement « à une demande d’extradition » de l’État de New York. Même soutien sans faille du président républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, pour qui « le peuple américain ne tolérera pas cette injustice » et un « abus de pouvoir sans précédent » de la part du procureur Bragg.

« Soyons clairs les gars. C’est un truc digne des communistes. C’est un truc qui ferait rougir Mao, Staline, Pol Pot », a tempêté son fils aîné Donald Trump junior dans son émission en streaming.

Cette inculpation est « digne du tiers-monde », « un acte opportuniste visant un opposant politique en pleine campagne électorale », a renchéri son frère Éric Trump dans un tweet.

Et du côté de ses adversaires ?

Stormy Daniels, Stephanie Clifford de son vrai nom, qui a collaboré avec la justice depuis près de six ans, s’est exclamée sur Twitter qu’elle ne voulait « pas renverser son champagne ». Son avocat Clark Brewster a lancé : « personne n’est au-dessus de la loi ».

Du côté des démocrates, le parlementaire Adam Schiff, a jugé que « l’inculpation et l’arrestation d’un ancien président étaient uniques dans toute l’histoire américaine ».

Cette inculpation est-elle une surprise ?

La presse bruissait de rumeurs en mars d’une mise en cause du milliardaire républicain, cerné par ailleurs par d’autres dossiers judiciaires. Il avait réussi un coup d’éclat politique, le 18 mars, en affirmant sur son réseau Truth Social qu’il serait « arrêté » et comparaîtrait à New York trois jours plus tard. Mais rien ne s’était passé.

Après avoir tenu l’Amérique en haleine, tous les journaux de New York et Washington affirmaient encore d’une seule voix mercredi que la justice ne devrait pas se prononcer avant le 24 avril. De son côté, Donald Trump, qui a toujours nié « tout délit » et toute liaison avec Stormy Daniels, avait qualifié dimanche l’enquête de M. Bragg de « morte » et d’« escroquerie » orchestrée par des « voyous » avant 2024.

Accusé par l’ancien président d’être un « animal » et un « raciste », le procureur Bragg, un magistrat afro-américain classé à gauche, en poste depuis janvier 2022, lui avait répondu qu’il avait « créé une fausse attente » médiatique sur son inculpation et dénoncé une « ingérence » dans l’enquête.

À Manhattan, où l’ancien président populiste n’avait pu rallier la semaine dernière que quelques dizaines de partisans, les abords du tribunal et de la Trump Tower étaient très calmes jeudi soir.

Cela l’empêche de briguer un second mandat ?

Absolument pas. Aux États-Unis, une personne accusée au pénal ou condamnée peut être candidate à n’importe quelle poste et élue. La Constitution prévoit une seule exception à l’exercice d’une fonction officielle : avoir participé à une « insurrection » ou à une « rébellion » contre les États-Unis.

Donald Trump, qui s’est lancé dès novembre dernier dans la course à la présidentielle de 2024, fait l’objet d’une enquête de la justice fédérale pour son rôle dans l’assaut contre le Capitole le 6 janvier 2021, mais aucune charge n’a été retenue contre lui à ce stade.





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