Douarnenez : le guitariste Arthur B. Gillette, alias Mick Strauss, remonte sur scène avec les rockeurs autistes d’Astéréotypie


Cela fait quelques années désormais que l’on peut le croiser avec son style de dandy improbable, ses cheveux en bataille et ses binocles, en train de flâner à Douarnenez, le long des Plomar’ch jusqu’à la plage de Kervel, à Plonévez-Pozay, et sur le port du Rosmeur. En 2017, Arthur B. Gillette, artiste discret, aussi étrange que talentueux, connu sur la scène musicale française pour être le guitariste du groupe folk Moriarty, s’installait pour de bon avec sa famille dans la cité penn-sardin, non loin de la fameuse rue Monte-au-ciel.

Le musicien franco-américain, également producteur de radio, compositeur pour le cinéma (« Gabriel et la Montagne » et, plus récemment, « Los Conductos ») et homme de théâtre ( « Remi », « Les Bonimenteurs » avec Jonathan Capdevielle), a cofondé le groupe de folk Moriarty, célèbre pour sa ballade « Jimmy » et la voix profonde de sa chanteuse, elle aussi franco-américaine, Rosemary Standley. Après avoir choisi de faire « une pause », notamment à la suite à la tragédie du Bataclan dans laquelle le batteur, Éric, « a pris deux balles dans le bras », Arthur, qui a beaucoup tourné en Bretagne, se dit « très attaché à ce peuple pas comme les autres ». Il y a finalement trouvé son port d’attache, avec aujourd’hui de nombreux projets et collaborations.

« Mes parents sont arrivés en France dans les années 1960-70, raconte l’artiste de 46 printemps. Mon père venait du secteur de New York et ma père de Boston. Même si je suis né à Paris, l’anglais est ma langue maternelle. Quand je parle, j’écris ou je chante, j’ai gardé le vocabulaire et l’accent… relativement datés de mon père. C’est-à-dire, celui d’un Américain du New Jersey des années 1960 ! C’est schizophrène et difficile à expliquer, mais la langue de mes sentiments les plus profonds, c’est l’anglais. Et un anglais d’une autre époque. »

« Mick Strauss », l’autre facette du cofondateur de Moriarty

Une voix et une identité que l’on peut ressentir sur l’un de ses deux projets musicaux du moment, qui tournera de nouveau cet été, « Mick Strauss », un groupe fondé en 2018 à Douarnenez, avec des musiciens de tous horizons : Jennifer Hutt (qui a notamment tourné avec Bonnie’Prince’Billy), aux cordes et claviers, Vincent Talpaert (« Don Cavalli », « Mustang »), à la basse, Brendan de Roeck (« Raincheck »), Rowen Berrou « Electric Bazar Cie », et surtout The Wacky Jugs, récemment sacrés champions du monde de blues, à la batterie. « Moi je suis à la basse », précise Arthur B. Gillette.

« Mick Strauss », l’une des autres facettes d’Arthur B. Gillette, reprend en partie « des morceaux mis de côté écrits avec Moriarty », ce qu’il appelle le salon des refusés. C’est aussi le résultat de voyages et de travaux d’écriture réalisés en 2019, dans des états du sud des États-Unis et le long de la grande diagonale Nouvelle Orléans et Arizona, en passant par le Minnesota et le Missouri, « suite à l’obtention d’une bourse ».

Ces textes presque mystiques, puisés dans les tribus amérindiennes, et ces prises de sons étranges captés en pleine nature racontent des histoires et dressent le portrait d’une Amérique à la fois familière et complètement aliénée. On oscille entre différents styles musicaux, du rock au blues en passant par la folk. L’album, « Southern Wave » sorti en 2022 et a été enregistré au studio du Millier, à Beuzec-Cap-Sizun, près de Douarnenez, avec un ingénieur du son bien connu, Julien Le Vu, lui aussi Douarneniste. Rendez-vous à Brest avec « Mick Strauss » le 3 août au Jeudis du Port.

L’autre projet d’Arthur B. Gillette qui cartonne actuellement est indéniablement Astéréotypie. Salué par la critique et le public, ce groupe incroyable, fondé il y a quelques années, mais qui ne connaît de véritable succès, avec une tournée solide, que maintenant, met en avant quatre jeunes rockeurs autistes, qui clament leurs textes « de manière brute et intuitive ». « Le projet, raconte Gillette, est né grâce à un collègue, Christophe L’Huillier (un Finistérien d’Hanvec), guitariste et éducateur spécialisé, qui animait un atelier poésie dans un institut médico-éducatif (I.M.E.) de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine).

« On n’est pas des accompagnateurs, on est un vrai groupe ! »

Le groupe de quatre jeunes auteurs-compositeurs interprètes autistes et quatre musiciens professionnels met aujourd’hui en musique des textes produits en atelier l’écriture, qui racontent leur quotidien et leur vision du monde. « Nous ne sommes pas des accompagnateurs, précise Arthur. On est un vrai groupe de rock ! C’est du travail souvent intensif et répétitif, mais quelle jubilation de jouer sur scène ! ». Le groupe fait une escale à Lopérhet (Finistère) ce dimanche 28 mai, à partir de 16 h (entrée à 7 €, réservations en suivant ce lien). La soirée-concert organisée par l’association Club Rade Passion propose pour l’occasion une programmation « pêchue » dans ces lieux bordant la rade de Brest qui s’y prêtent parfaitement. En attendant, Arthur continue ses bal (l) ades, entre le bord de mer et son grenier, inépuisable source d’inspiration.



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