En Seine-Maritime, l’autisme dans les petits papiers de l’air du temps


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« Plus rien d’autre n’a d’intérêt, comme une méditation… C’est le travail acharné d’un autiste dans son intérêt spécifique, envahissant jusqu’à l’expertise. » Le « plieur fou » Erik Vigier a commencé l’origami à ses 18 ans. C’est désormais son métier. (©JH/76actu)

« L’autisme est à la mode ? Profitons-en ! On a 50 ans de retard en France… » Lors du colloque sur l’autisme qui a eu lieu au Palais des congrès d’Oissel (Seine-Maritime) le 15 mars dernier, Jean-François Dufresne répondait à une question sur une prétendue « vogue » de l’autisme. Il est vrai que même la nouvelle Miss Le Havre « veut porter la cause des enfants autistes » !

L’ancien directeur général du groupe agroalimentaire Andros a un fils autiste, « non verbal à déficience intellectuelle ».  Quand quelqu’un feint de compatir en lui disant : « Vous avez vécu un grand drame… », il répond : « Au contraire, c’est la plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie. »

Au début des années 90, l’enfant a été diagnostiqué « par son grand-père, médecin aux États-Unis ». Car « il n’y avait rien en France ». Alors l’ex patron se réjouit des progrès réalisé en matière de diagnostic et de prise en charge de ce qu’on appelle désormais le trouble du spectre de l’autisme (TSA), une terminologie qui représente mieux la diversité des formes que peut prendre l’autisme. 

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Le Palais des congrès d’Oissel (Seine-Maritime) était plein le 15 mars dernier pour ce colloque sur l’autisme. (©JH/76actu)

L’autisme, c’est quoi ?

L’autisme est un handicap dont les manifestations sont décrites sous l’intitulé de Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA), c’est un trouble neurodéveloppemental dû à un dysfonctionnement cérébral. Les personnes autistes perçoivent ainsi le monde d’une façon différente par rapport à une personne dite neurotypique. Le TSA peut affecter le développement dans la communication (langage, compréhension, contact visuel…),
les interactions sociales (perception et compréhension des émotions, relations sociales, jeux…), le comportement (gestes stéréotypés, intérêts et activités spécifiques et restreints, mise en place de routines…)

Jean-François Dufresne fait partie de cette « communauté des croyants » qui croient dans les compétences des personnes avec autisme, « qui peuvent apporter des choses formidables à la société ». Car « 450 000 Français autistes en âge de travailler sont en ‘milieu protégé’, encombrant les IME et les foyers d’accueil spécialisés, alors qu’il y en a au moins 100 000 qui peuvent bosser », affirme le fondateur de l’association Vivre et Travailler Autrement, qui a prouvé que les autistes étaient d’excellents travailleurs pour les entreprises (Andros, mais aussi Barilla, LVMH, L’Oréal…) qui les emploient. 

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Outre les professionnels de santé, une trentaine de stands étaient présents pour les familles : associations (dont Sésame autisme Normandie, basée à Notre-Dame-de-Bondeville), centre de ressource autisme, clubs sportifs, professionnels de musico ou art-thérapie, sophrologues…(©JH/76actu)

Un sourire en coin, un regard qui se dérobe, une timidité qui confine au repli sur soi… L’autisme tendance ? En tout cas de plus en plus déstigmatisé. Même si on dit qu’il y a autant d’autisme que de personnes, il est vrai que la prise en charge des autistes – autrefois coincées entre pression normative ou négation de la différence ou entre le marteau culpabilisateur de la psychanalyse et l’enclume soi-disant curative des approches comportementales – s’est améliorée dans le pays.

« Neuneu » ou « génie »

Comme le regard porté sur eux, auparavant souvent perçus soit comme des « neuneus » à encamisoler (le « packing », méthode de contention avec enveloppements froids, est encore pratiqué). Soit comme des « génies » à la Rain Man, le film où Dustin Hoffman incarne un autiste Asperger, atteint de ce « syndrome du savant » lui donnant des capacités extraordinaires de mémoire ou de calcul.

Cet « autisme de haut niveau » participerait à ce que le syndrome soit dans le vent. Il se murmure qu’Einstein en était. Bill Gates également. Ou encore Mozart… Certains « Aspies » refusent même de se considérer handicapé, revendiquant la notion de neurodiversité

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Mainternat tout le monde est autiste !
Josef Schovanec milite dans le monde entier pour la dignité des personnes autistes. (©JH/76actu)

C’est le cas de Josef Schovanec, qui parle d’« une manière différente d’être », et non d’« une pathologie qui se guérit avec des comprimés ». « Presque tout le temps en voyage », il se veut un guide touristique de son pays natal, l’Autistan, un pays imaginaire peuplé de gens étranges aux frontières pas si lointaines. Son érudition, son humour et sa joie de vivre sont les parfaits contre-pieds d’une prétendue souffrance inhérente aux autistes

Maintenant, tout le monde est autiste !

Josef SchovanecPhilosophe, écrivain et voyageur autiste Asperger

L’écrivain linguiste, locuteur d’une dizaine de langues, est plongé dans son portable pendant les messages enregistrés des politiques, mais tout ouïe lors des témoignages d’enfants autistes. Le grand (1,95 m) homme dégingandé à la tignasse hirsute a un phrasé et une diction particuliers, qui ressemble un peu à un accent helvète. « Je précise que je ne suis pas Suisse, au cas où il y ait des agents du fisc dans la salle ».

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De gauche à droite : Josef Schovanec, Jean-François Dufresne, Eric Vigier, Frédéric Payet et Antoine Rosier. (©JH/76actu)

Exilé en Belgique, l’ancien conseiller ministériel est très critique de la gestion de l’autisme par les pouvoirs publics français, citant d’ailleurs la Constitution suisse qui stipule que « la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres ».

« Diagnostiquer… Et assurer le SAV »

Et « il ne s’agit pas de jeter une pièce au clodo, comme le fait l’entourage d’Emmanuel Macron, qui parle beaucoup d’autisme. Il y a même eu une rumeur comme quoi il serait lui-même autiste… » Car si le politique, à travers la délégation interministérielle à l’autisme et aux troubles du neuro-développement, « met la pression pour diagnostiquer à tour de bras, le diagnostic n’est pas une fin en soi. Il ne faut pas que diagnostiquer, il faut assurer le SAV ! »

Pour le docteur en philosophie, « Dame Nature est économe : il n’y a pas d’organes inutiles. Les personnes différentes ont du talent, et la présence de gens handicapés profite aux dits « valides ». Peut-être même qu’elle est nécessaire à la survie de l’humanité. »

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De nombreux ouvrages traitent de l’autisme pour une société plus inclusive et un éloge de la différence. (©JH/76actu)

Le diagnostic, c’est l’affaire – avec la sensibilisation et la formation – du Centre ressources autisme Normandie Seine-Eure (CRAnse) de Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime). « Le diagnostic améliore la vie », affirme Antoine Rosier, le psychiatre coordonnateur de la structure. Ce que confirment plusieurs personnes dans la salle qui le remercient chaleureusement pour le leur.

Le docteur réfute la théorie de Josef Schovanec selon laquelle il y aurait trop de diagnostics « abusifs » chez l’adulte, notamment chez les femmes :  » S’il y a un sujet qui s’est amélioré, c’est l’accès au diagnostic. Le diagnostic chez l’adulte date d’il y a dix ans seulement. Les CRA sont 26 en France pour les réaliser. Or, il y a 100 000 affections de longue durée pour 700 000 personnes autistes (1 % de la population) en France. Ce n’est donc pas un « sur », mais bien un sous-diagnostic ! »

LEs associations présentaient de nombreux jeux à destination des enfants autistes.
Les associations présentaient de nombreux jeux à destination des enfants autistes. (©JH/76actu)

Ce qui est sûr, c’est que la prévalence des troubles autistiques augmente partout de façon exponentielle. Reconnaissance accrue de ce trouble ou augmentation réelle de son incidence ? Si la meilleure formation des professionnels, la sensibilisation des associations ou la couverture médiatique ont permis d’améliorer le repérage, une influence environnementale n’est pas à exclure.

C’est pourquoi le CRANSE participe à une étude nationale impliquant 40 maternités : « Marianne » est l’unique cohorte à l’échelle européenne susceptible de répondre aux questions sur le rôle des facteurs environnementaux en période prénatale dans la survenue des troubles du neurodéveloppement chez l’enfant. Une étude à suivre…

  • Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme au Centre ressources autisme Normandie Seine Eure (Centre Hospitalier du Rouvray, 4 rue Paul Eluard à Sotteville-lès-Rouen), mercredi 29 mars 2023 de 13h30 à 18h. Avec de nombreux stands d’information (documentation, vidéo, associations, parents de personnes avec autisme, équipes médico-sociales, équipes sanitaires) et un parcours d’expérimentations sensorielles (6 ateliers d’une durée d’une heure sur les particularités sensorielles & perceptives dans l’autisme). Entrée sur inscription obligatoire
  • JO de l’autisme samedi 1er avril 2023 au gymnase Saint-Exupéry (24 boulevard Gambetta à Rouen), organisé par l’ASPTT. 13h45 : accueil des familles. 14h-16h : activités sportives. 16h15 : conférence et moment de convivialité. Inscription sur le site. Renseignements au 02 35 12 65 40.
  • Conférence Autisme au féminin, vendredi 14 avril 2023, de 18h à 20h au Centre ressources autisme Normandie Seine Eure (Centre Hospitalier du Rouvray, 4 rue Paul Eluard à Sotteville-lès-Rouen).

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