Enfants attaqués au couteau à Annecy : pourquoi ne parle-t-on pas d’« attentat » ni de « terrorisme » ?

Une attaque et non un « attentat ». Après qu’un homme a été interpellé à Annecy (Haute-Savoie) jeudi matin, accusé d’avoir blessé six personnes avec un couteau, dont quatre enfants, la qualification de cet acte peut poser question. Mais comment est-il décidé d’utiliser un terme plutôt qu’un autre ?
Concernant les faits qui se sont déroulés à Annecy, il semble pour l’instant plus approprié de parler, en l’état actuel de la procédure judiciaire, d’ « attaque ». Car si le Parquet national antiterroriste (PNAT) est associé à l’enquête et est présent sur les lieux, il ne s’est pour l’heure pas saisi des faits.
Comme l’a précisé la procureure de la République d’Annecy Line Bonnet-Mathis, il n’y a, à ce stade, « aucun mobile terroriste apparent ». Impossible donc, pour l’instant, de parler de « terrorisme » ou d’« attentat », selon les définitions posées par la loi.
L’attaque et l’attentat, deux termes distincts
Lorsqu’un acte d’une telle gravité se produit, il est d’abord plus prudent de parler d’attaque en l’absence d’éléments sur les circonstances. Tant que les motivations de l’assaillant ne sont pas connues ou identifiées clairement par les enquêteurs, le terme d’attaque renvoie de manière générique au fait de s’en prendre à des personnes ou des lieux, ce qui est le cas à Annecy.
Définie par l’article 412-1 du Code pénal, la notion d’« attentat » recouvre, elle, des « actes de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l’intégrité du territoire national », c’est-à-dire les tentatives de coup d’État ou les entreprises sécessionnistes.
Un fréquent raccourci est d’associer également la notion d’« attentat » au terrorisme, car les deux qualificatifs sont souvent joints, mais légalement, le terme d’attentat n’implique pas automatiquement la notion de terrorisme, elle aussi encadrée par la loi.
La notion de terrorisme encore différente
Celle-ci est définie à l’article 421-1 du Code pénal. Elle recouvre « les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement » d’un moyen de transport, si l’acte est commis « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».
Afin de déterminer le caractère ou l’absence de caractère terroriste d’un acte, le PNAT fonde son analyse « au cas par cas » selon plusieurs critères : « Il y a trois critères principaux pour déterminer cela : l’intentionnalité, l’adhésion à une entreprise terroriste et la finalité de l’acte », explique au Parisien Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme (CAT).
« Il faut que la personne soit responsable de ses actes, on exclut de fait de la qualification terroriste les actes commis par des personnes qui présentent des troubles psychiques », poursuit-il, soulignant qu’il faut également que l’enquête déduise l’adhésion du suspect à une entreprise individuelle ou collective terroriste. Cela se caractérise par une « relation avec les membres d’un groupe terroriste, l’allégeance à un groupe, ou une revendication de l’acte au nom du groupe », détaille le spécialiste.
Enfin, il faut prendre en compte les modalités de l’acte, la façon dont il a été commis : « Lors du passage à l’acte, il doit y avoir la volonté d’intimider ou de terroriser les populations, analyse Jean-Charles Brisard. Si on cible les forces de l’ordre, une origine ou une religion, c’est également un élément important, tout comme lorsqu’il s’agit d’une tuerie de masse. »
La même problématique s’était posée en décembre, lorsqu’un un homme de 69 ans avait ouvert le feu rue d’Enghien dans le Xe arrondissement de Paris. Trois personnes d’origine kurde étaient décédées, tuées par balles.
Là encore, les termes d’« attentat » et de « terrorisme » avaient été écartés au profit d’une attaque et le Parquet national antiterroriste (PNAT) ne s’était pas saisi des faits, même si le caractère raciste de l’acte avait bien été retenu par la justice.