Esclavage : les Pays-Bas présentent des excuses officielles


Le discours sur l’implication des Pays-Bas dans les 250 ans de traite d’êtres humains était très attendu. Le Premier ministre des Pays-Bas, Mark Rutte, a présenté lundi, lors d’un discours à La Haye, les excuses officielles du gouvernement pour le rôle de l’État néerlandais dans l’esclavage, qu’il a qualifié de « crime contre l’humanité ».

« Aujourd’hui, je présente des excuses au nom du gouvernement néerlandais pour les actions de l’État néerlandais dans le passé : à titre posthume à tous les esclaves du monde entier qui ont souffert de cet acte. À leurs filles et fils et à tous leurs descendants », a déclaré le chef du gouvernement. « Nous ne pouvons que reconnaître et condamner l’esclavage dans les termes les plus clairs comme un crime contre l’humanité », a-t-il affirmé.

Des ministres présents dans sept anciennes colonies

Au même moment, plusieurs de ses ministres étaient présents dans sept anciennes colonies, au Suriname et dans les Caraïbes, pour discuter de la question avec les habitants. « Des personnes ont été transformées en marchandise. La dignité humaine a été foulée aux pieds, d’une manière horrible », a ajouté Mark Rutte, avant de dire « Je m’excuse » en anglais, en sranan (créole surinamien) et en papiamento (créole des Antilles néerlandaises).

La Première ministre d’Aruba, petite île des Antilles néerlandaises située au large du Venezuela, a salué ce « tournant dans l’histoire du royaume » des Pays-Bas. « Toute excuse sincère est toujours la bienvenue », a déclaré Evelyn Wever-Croes, citée par l’agence de presse néerlandaise ANP. Mais la volonté du gouvernement de présenter des excuses lundi, qui avait fuité dans la presse néerlandaise en novembre, suscitait depuis plusieurs semaines une vive controverse aux Pays-Bas et outre-mer.

Les organisations de commémoration de l’esclavage souhaitaient que ces excuses soient présentées le 1er juillet 2023, date marquant les 150 ans de la fin de l’esclavage lors d’une célébration annuelle appelée « Keti Koti » (Briser les chaînes) en surinamais. La Première ministre de Sint Maarten, Silveria Jacobs, avait déclaré samedi aux médias néerlandais que l’île n’accepterait pas d’excuses néerlandaises si elles étaient présentées lundi.

« Il n’y a pas un seul bon moment pour tout le monde, pas un seul bon mot pour tout le monde, pas un seul bon endroit pour tout le monde », a déclaré le Premier ministre à ce sujet lundi.

Environ 600 000 Africains envoyés vers l’Amérique du Sud et les Caraïbes

L’esclavage a contribué à financer le « siècle d’or » néerlandais, période de prospérité grâce au commerce maritime aux XVIe et XVIIe siècles. Le pays a procédé à la traite d’environ 600 000 Africains, principalement vers l’Amérique du Sud et les Caraïbes.

À l’apogée de son empire colonial, les Provinces-Unies, connues aujourd’hui sous le nom de Pays-Bas, possédaient des colonies comme le Suriname, l’île caribéenne de Curaçao, l’Afrique du Sud et l’Indonésie, où la Compagnie néerlandaise des Indes orientales était basée au XVIIe siècle.

L’esclavage a formellement été aboli au Suriname et dans d’autres territoires détenus par les Néerlandais le 1er juillet 1863, mais n’a vraiment pris fin qu’en 1873 après une période de « transition » de 10 ans. Des ministres néerlandais étaient lundi dans les îles des Caraïbes : Bonaire, Sint Maarten, Aruba, Curaçao, Saba et Saint-Eustache, et au Suriname.

Les grandes cités avaient déjà présenté leurs excuses

Ces dernières années, les Pays-Bas ont commencé à regarder en face leur rôle dans l’esclavage. Les villes d’Amsterdam, Rotterdam, Utrecht et La Haye ont officiellement présenté leurs excuses. Mark Rutte a longtemps émis des réserves quant à la présentation d’excuses officielles, affirmant par le passé que la période de l’esclavage était trop ancienne et que des excuses attiseraient les tensions dans un pays où l’extrême droite reste forte.

« Je pensais : l’esclavage est une histoire qui est loin derrière nous. J’avais tort », a-t-il expliqué lundi, « parce que des siècles d’oppression et d’exploitation affectent le présent, dans les stéréotypes racistes, la discrimination et l’inégalité sociale ».

« Et pour briser cela, nous devons affronter le passé ouvertement et honnêtement », a ajouté le Premier ministre des Pays-Bas, où à peine 38 % de la population adulte était en faveur d’excuses officielles, selon un récent sondage.



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