Féminicide à Caen : il frappe sa compagne de 45 coups de couteau


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Jusqu’au 25 janvier 2023, l’homme de 63 ans comparaît devant la Cour d’Assises du Calvados, pour le meurtre de sa compagne, commis il y a trois ans. ©Christophe Jacquet – Liberté Caen

Pour sa première session de l’année, la Cour d’Assises du Calvados doit juger un féminicide à Caen (Calvados). Trois jours durant, depuis ce lundi 23 janvier 2023, un homme comparaît pour le meurtre de Nicole, sa compagne, âgée alors de 55 ans, documentaliste au lycée Fresnel. 

Un meurtre qu’il reconnaît

Un meurtre qu’il a reconnu tout de suite après les faits, dans la nuit du dimanche 8 au lundi 9 décembre 2019, lorsqu’il s’est présenté de lui-même à l’Hôtel de police, à proximité de leur maison de la rue de Jersey à Caen, où il l’a poignardée à de très nombreuses reprises.

Un meurtre que l’accusé, un homme âgé aujourd’hui de 63 ans, a encore admis d’une voix fluette en début d’audience

Oui, oui, je suis coupable.

La présidente pédagogue

Devant une salle comble, où figuraient un groupe de lycéens, les amies et la famille de la victime, et devant les 8 jurés retenus (4 femmes et 4 hommes), la présidente de la Cour d’Assises, Jeanne Cheenne, a régulièrement fait preuve de pédagogie. Pour expliquer la procédure, pour exposer aux 7 témoins qui se sont succédé à la barre les différentes parties représentées, et pour énoncer la nuance de taille qualifiant, en droit, les faits. Elle le rappelle juste avant que le prévenu revienne sur les faits et donne sa première version : « Vous êtes accusé de meurtre, aggravé par le fait que la victime était votre compagne. »

Elle ajoute : « Vous n’êtes pas accusé d’assassinat« , qui correspond à « un meurtre prémédité » et répond « à une définition précise », avec « une préparation bien en amont ». Elle le précise :

Cet aspect (de préméditation) n’a jamais été envisagé dans ce dossier. L’accusé a été mis en examen sur cette qualification de meurtre sur conjointe, qui est toujours restée.

Elle voulait se séparer

Qu’a-t-il retenu et que révèle-t-il aux jurés, qui ne connaissent pas le dossier, de cette soirée fatale ? Ce dimanche-là, Nicole, « ma femme » comme il la désigne encore alors qu’ils n’étaient pas mariés ou même liés par un Pacs, devait rentrer tard d’un week-end passé près de Paris avec sa mère et ses sœurs.

Meurtre rue de Jersey à Caen
La maison du couple à Caen. ©Archives Nicolas CLAICH

Lui était resté seul, avec les pensées suicidaires qui l’animent en secret depuis août 2019. Nicole lui avait confirmé vouloir une séparation définitive, et lui avait demandé de faire chambre à part. Le sexagénaire, à la retraite depuis 6 mois, attend dans le salon, après avoir « préparé à manger comme on fait d’habitude », diné devant la télé et « des reportages comme on faisait avec ma femme », et fait la vaisselle.

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« J’étais plus rien pour elle »

Il allait se coucher. Il savait que Nicole était avec Isabelle, une amie de près de 20 ans, comme elle enseignante documentaliste. « Quand elles sont ensemble, comment dirais-je, je sais que ça peut durer. »

Avant de monter, il l’entend à la porte. « Je suis allée la voir. Je ne sais plus ce qu’on s’est dit, deux-trois trucs sur son voyage. » Il poursuit, la voix tremblante, le regard hagard ne scrutant personne :

Je lui ai demandé, pourquoi elle faisait ça, pourquoi elle ne voulait plus que j’aille dans sa famille. Elle m’a répondu que c’était comme ça, que j’avais pas encore compris que j’étais plus rien pour elle.

L’accusé

« Du sang dans la maison, mes mains qui saignaient »

Il le dit : « je suis reparti à ma place, je me suis rassis, j’ai vu le couteau, je l’ai pris, j’ai été voir ma femme, et j’ai porté un coup de couteau ».

Ensuite ? D’après lui, c’est la version à laquelle il tient, « il y a eu une lutte, on a lutté comme ça, après on est tombés, y avait du sang ». En pleurs, il continue : 

J’avais le couteau dans la main, j’ai été revoir ma femme, elle ne bougeait plus, y avait du sang. J’ai pris le pouls de ma femme, il ne battait plus. Je suis monté dans ma chambre.

« Vous vous êtes changé ? », lui demande la présidente. « Je me suis changé pour partir au commissariat, j’ai enlevé mon pantalon. »

Jeanne Cheenne reprend : « Vous étiez blessé vous-même ? » D’une tirade, il le décrit : « J’avais les mains qui saignaient, y avait du sang dans la maison, c’était mes mains qui saignaient, j’ai pris du papier sur les mains, y avait du sang partout. Je suis parti au commissariat à pied, mais ma femme avait laissé la voiture sur le trottoir, alors j’ai pris la voiture, et j’ai été au commissariat comme ça. »

Quelles motivations pour cet homme « mystérieux » ?

Avant 16h30, l’interrogatoire a été le moment le plus glaçant de cette première journée, où les différents témoins – deux anciennes collègues de l’accusé, maquettiste dans un groupe de presse locale à Caen, et des amies de Nicole – ont tenté d’éclairer d’un côté la personnalité « taciturne », « taiseuse » de l’accusé, ses accès de colère rentrée, voire de violence selon ses deux enfants, de l’autre l’impasse du couple et le vœu de Nicole de « vivre autre chose, autrement ».

Un prévenu confus

Ces témoignages et le compte-rendu d’une enquête de personnalité, mené en prison par une association, ont à peine levé le voile sur « un homme resté mystérieux« , d’après la présidente de la Cour d’Assises. Les questions en fin d’audience ce premier jour laissent entrevoir un prévenu confus, dans le déni de l’étendue de son crime.

Et c’est l’avocate des parties civiles, Me Aline Lebret, qui, la première, a tenté, en fin d’après-midi, de lui redonner un peu de lucidité :

Une seule question : vous parlez de lutte, mais est-ce qu’on lutte à armes égales quand on se prend des coups de couteau ? Votre compagne n’était-elle pas plutôt en train de se défendre ?

Aline Lebret, avocate des parties civiles

L’accusé répond : « J’ai dit que c’était une lutte, parce que ma femme se défendait et en avait le droit, c’était sa réaction normale. » L’avocate lui rétorque : « Le mot « lutte » était peut-être un peu maladroit, monsieur. »

Un terme « maladroit », et léger aussi pour qualifier l’attaque sur Nicole. Comme l’a rappelé la présidente Jeanne Cheenne en début d’audience, 45 coups de couteau lui ont été portés, dont « 19 au visage » et « une plaie très profonde à la gorge ». 

Sur les motivations d’un tel acte, le prévenu n’a encore rien vraiment dit. En dehors du message laissé à sa fille :

Maman a été trop méchante, elle m’a tellement rabaissé, humilié, je n’en pouvais plus.

Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité

Les expertises, programmées ce mardi, pourraient permettre d’en savoir plus.

En détention provisoire depuis fin 2019, l’homme encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Selon le collectif Nous Toutes, il avait à l’époque perpétré le 141e féminicide de l’année.

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