Festival de Cannes : la Palme d’or a-t-elle du succès en salle ?


Le palmarès du Festival de Cannes intéresse-t-il les Français ? Moins qu’avant, à en croire les chiffres des salles de cinéma. L’événement continue de servir de tremplin aux acteurs et réalisateurs, mais il ne garantit plus le succès à son lauréat. Justine Triet, lauréate de la Palme d’or pour « Anatomie d’une chute », est prévenue.

Où est passé l’engouement provoqué par « Le Salaire de la peur », « Un Homme et une femme » ou « Apocalypse Now » ? Le dernier gros succès d’une Palme d’or en France remonte à trente ans. Et c’est « Pulp Fiction » qui en est le détenteur. Avec 2,86 millions d’entrées, l’œuvre de Quentin Tarantino s’est classée 8e au box-office des films sortis en 1994, selon le site spécialisé CBO Box-Office.

Depuis, aucun film « palmé » n’a atteint le Top 10 du box-office français, alors que 12 avaient réussi cet exploit entre 1949 et 1994. Jusqu’à la sortie de « Pulp Fiction », les Palmes d’or ont attiré en moyenne 1,72 million de spectateurs, contre 812 000 après. Soit moitié moins.

Le Top 50 peu atteint

Pire, ces dix dernières éditions, l’impopularité a été au zénith : huit Palmes sur dix n’ont pas intégré le Top 50. Les deux dernières, le métallico-érotique « Titane » (2021) et la satire « Sans filtre » (2022), dont les réalisateurs respectifs, Julia Ducournau et Rüben Ostlund, sont au jury de l’édition 2023, n’ont attiré qu’un public averti et peu nombreux.

Dans la période récente, un seul, le pamphlet « Fahrenheit 9/11 » de Michael Moore, s’est classé dans le Top 20. Et la tête d’affiche de la dernière décennie, « Parasite » du Coréen Bong Joon-ho, arrive seulement 26e au classement 2019 avec 1,94 million d’entrées.

En comparaison, « Le Salaire de la peur » d’Henri-Georges Clouzot, primé en 1953, avait attiré 6,94 millions de spectateurs. Mais ce film appartient à une époque où l’affluence dans les salles obscures était deux fois plus élevée qu’aujourd’hui. À fréquentation égale, « Apocalypse Now » est sans doute le plus gros succès populaire pour une Palme d’or (4,54 millions d’entrées). Vainqueur en 1979, la fresque légendaire de Coppola sur la guerre du Viêt Nam s’est classée 2e au box-office français et a concentré 2,55 % des entrées cette année-là. Deux records pour une Palme.

Proportionnellement moins élevées, les entrées d’« Un Homme et une femme » de Lelouch (4,27 millions en 1966), du « Guépard » (3,65 millions en 1963) ou encore de « Taxi Driver » (8e au box-office de 1976 avec 2,69 millions d’entrées) font désormais rêver.

Les films d’auteur, moins populaires que les blockbusters

De manière générale, les Palmes d’or sont rarement populaires. Depuis 1949, sur les 82 films primés, 42 n’ont pas atteint le Top 50 au box-office français. Dix-neuf sont même restés aux portes du Top 100. Qui se souvient des « Meilleures intentions » (1992) de Bille August, record du plus petit nombre de spectateurs (92 000) ? Une gifle pour ce scénario autobiographique d’Ingmar Bergman.

Cannes préférant les films d’auteur, ses Palmes d’or ne concourent pas dans la même catégorie que les productions à gros budgets, stars des box-offices. En 2015, sept Français sur dix déclaraient ne jamais aller voir les films récompensés au Festival de Cannes, selon un sondage CSA. Quand « L’Éternité et un jour » du Grec Théo Angelopoulos, Palme d’or 1998, affronte « Titanic » dans les salles, la concurrence est forcément déloyale.

« Avatar », « Spider-Man », « Star Wars », « Harry Potter » et autres « James Bond »… La majorité des maîtres du box-office des vingt dernières années sont des films dont les enveloppes dépassent allègrement les 100 millions de dollars, parfois les 200 ou les 300 millions. Les Palmes d’or dépassent, elles, rarement les 10 millions d’euros de budget.



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