« Le Bleu du caftan » : une subtile et déchirante histoire d’amour


Au Festival d’Angoulême, « le Bleu du caftan » a remporté le prix de la mise en scène et du meilleur acteur. Largement mérité, car la réalisatrice Maryam Touzani a mis beaucoup de temps à trouver son comédien, Saleh Bakri, de nationalité palestinienne, dans le rôle d’un artisan marocain bisexuel. Il en fallait, du courage, pour tourner ce film au Maroc.

Halim, le héros, et sa femme Mina, forment un vieux couple uni par leur passion commune pour la broderie et la confection de caftans traditionnels, ces robes ou tenues d’apparat, de mariage, de soirées, que portaient même les sultans, et qu’ils sont parmi les derniers à confectionner de manière traditionnelle, méticuleusement, avec une lenteur extrême, comme on façonne une œuvre d’art, n’en déplaise à l’impatience des clients dans la médina.

Le couple partage un secret dangereux dans ce climat pesant où planent l’ombre de la police et le poids de la religion. Halim est attiré par les hommes. Il a tout essayé, il ne veut pas, le mariage est sacré, la tradition l’interdit, mais le corps a ses pulsions que la raison ne connaît pas. L’originalité du « Bleu du caftan », c’est que ce qui ressort même d’un délit sous la loi musulmane, dans cette ville où les contrôles de police se multiplient, les lie à jamais. Mina accepte, secrètement.

Une délicatesse hors norme

Elle souffre d’une solitude sexuelle et d’un cancer, mais tous les deux forment un vrai couple comme peu de cinéastes osent en imaginer. Fidèle à leur plaisir d’être ensemble, de sortir au café — malgré les diktats repoussant les femmes dans les intérieurs — et de se protéger. L’amour n’est pas que sexuel. Il est sacrifice et soutien absolu. Jusqu’à l’intrusion d’un jeune apprenti qui déséquilibre ce pacte du couple.

« Le Bleu du caftan » évite tous les pièges pour inventer des valeurs plus intérieures, basées sur un respect non d’un ordre moral mais de l’autre, celui qui partage votre vie. Tout cela dans une boutique tout ce qu’il y a de plus immémorial d’une médina. Un miracle presque incroyable que ce film qui rend naturelle une histoire singulière, avec une délicatesse hors norme.

La note de la rédaction :

« Le bleu du caftan », film de Maryam Touzani, avec Lubna Azabal, Saleh Bakri, Ayoub Missoui (2h02)



Lien des sources