Pesticides, office biodiversité : le gouvernement déroule ses mesures de « simplification »
« Les agriculteurs en ont ras le bol des interdictions, des procédures, des normes », a lancé Annie Genevard, la ministre de l’Agriculture en annonçant, ce samedi, une série de mesures visant à réduire « les boulets » qui pèsent, selon elle, sur le secteur en crise.
« Ce sont véritablement des boulets qui se sont accumulés au point de creuser la compétitivité des exploitations », a-t-elle ajouté à l’occasion d’un déplacement dans le Loiret et au lendemain de rendez-vous au ministère avec la plupart des syndicats du secteur. Avant de dresser la liste d’une série de mesures, parmi lesquelles la création d’un « Conseil d’orientation pour la protection des cultures ».
Créé par décret, ce Conseil, présidé par la ministre et réunissant les parties prenantes dont les agriculteurs, les instituts de recherche et les fabricants de produits phytosanitaires, visera à « prioriser l’instruction » par l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) des demandes d’autorisation des intrants, en fonction des besoins des filières agricoles. Autrement dit, il s’agira pour l’Anses de faire passer en haut de la pile des demandes de mises sur le marché de certains produits, afin de répondre à des besoins urgents de certaines cultures.
« Le chemin vers moins de phyto »
« On demande à l’Anses de travailler en priorité sur les usages orphelins ou mal pourvus », a dit la ministre. Les entreprises phytopharmaceutiques pourront apporter « une expertise technique car ce sont elles qui mettent au point les produits ». Même si sur le fond des décisions (autorisation ou interdiction), « il ne s’agit pas de dicter les décisions à l’Anses, qui est une agence indépendante », a-t-elle assuré.
« Je pense que le chemin vers moins de phyto est un chemin sur lequel personne ne reviendra. C’est une orientation qui est actée par tout le monde, les politiques et la profession. Mais pour les filières qui sont en crise, on a besoin que l’Anses priorise ses travaux pour y répondre », a-t-elle ajouté. Ce décret doit aussi « améliorer l’information des ministères des projets de décisions de l’Anses ». Il doit en outre « demander à l’Anses de faciliter la reconnaissance mutuelle » de produits déjà autorisés au niveau européen. L’Anses est dans le viseur de certains syndicats pour avoir interdit ou restreint l’usage de certains pesticides avant que cela soit le cas dans l’UE.
Des délais raccourcis sur les projets d’élevage
Concernant l’Office français de la biodiversité (OFB), qui assure un rôle de police de l’environnement, le directeur général devra « assurer de manière immédiate la discrétion des armes en cas de contrôle, en recourant à des dispositifs qui permettent de la dissimuler. C’est un irritant majeur » pour les agriculteurs, a-t-elle précisé. Il y aura « déploiement progressif à titre expérimental du port d’une caméra piéton, qui permet de déclencher des enregistrements de contrôle sur place, éventuellement. Généralement cela permet, on le voit avec les pompiers, les policiers, de faire redescendre la tension ».
Autre mesure, « une circulaire aux préfets pour optimiser les capacités d’instruction des projets d’élevage, pour raccourcir les délais et privilégier les contrôles à vocation pédagogique pour les récents installés ».
Autre pour point important. La fixation des dates pour les travaux agricoles se fera au niveau local, et une mesure évitera que le même papier soit demandé plusieurs fois par les administrations. Un point qui avait cristallisé la grogne des agriculteurs au printemps dernier.
Des manifestations attendues
Reste à savoir si ces annonces seront suffisantes ? Annie Genevard compte revoir les syndicats « avant Noël » pour un nouveau « rendez-vous de la simplification, que je serais même tenté d’appeler les rendez-vous du bon sens ». L’objectif ? « venir à bout, méthodiquement, de tous les freins à la production », selon elle.
Reste que le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau a annoncé vendredi sur RMC de nouvelles « actions » en France les 9 et 10 décembre. Il s’agit, selon lui, de marquer la troisième et normalement dernière phase de la mobilisation engagée depuis la mi-novembre autour de trois thèmes : opposition à la conclusion d’un accord de libre-échange entre l’UE et des pays du Mercosur, dénonciation des « entraves » à l’exercice du métier comme les restrictions sur les pesticides et faire pression pour obtenir un meilleur revenu.
Les nouvelles manifestations se feront donc « autour du revenu, autour de la relation avec le prix de nos produits, notamment dans le cadre du début de la négociation avec les distributeurs », a-t-il expliqué. « On sera le lundi et le mardi de cette semaine-là, avec l’objectif qu’on puisse conclure notre cycle (de manifestations) avec une rencontre avec le Premier ministre. On a besoin que des résultats concrets soient au rendez-vous », a-t-il ajouté.
En outre, Arnaud Rousseau n’a pas caché sa crainte d’assister d’ici là à la censure du gouvernement de Michel Barnier par l’Assemblée nationale. « Depuis près d’un an, on a obtenu un certain nombre de choses. Mais la dissolution et la menace aujourd’hui qui pèse sur le gouvernement nous laissent à penser qu’un certain nombre des avancées qui ont été annoncées ne seront pas forcément au rendez-vous. C’est le cas, par exemple, des prêts de trésorerie sur lesquels la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard a fait des annonces il y a trois semaines », a estimé Arnaud Rousseau.
Dans un message sur X jeudi, le président de la FNSEA a lancé « un appel » à tous les adhérents du syndicat, pour qu’ils sensibilisent leurs députés aux « conséquences de leur vote » en cas de censure. Il a plaidé en faveur de la « stabilité ». Michel Barnier et Annie Genevard sont issus des rangs de LR et donc d’une droite historiquement sensible aux revendications du syndicat majoritaire et de son allié Jeunes agriculteurs (JA). « Si on doit encore attendre un prochain gouvernement pour avoir des décisions, pour nous, ce n’est pas tenable », a-t-il conclu.