Pour la venue du pape à Marseille, un ingénieur lui construit un fauteuil roulant avec du bois de Notre-Dame


La date est fixée. Paul de Livron a rendez-vous avec l’archidiocèse de Marseille (Bouches-du-Rhône) jeudi 21 septembre pour livrer le fruit de cinq mois de travail : un fauteuil roulant en bois destiné au pape François. Le souverain pontife visitera la cité phocéenne vendredi et samedi à l’occasion des Rencontres méditerranéennes. Le 23 septembre, Paul de Livron lui sera présenté pour la deuxième fois.

Le premier contact remonte au 3 mai. Ce jour-là, l’ingénieur de 31 ans, lui-même en fauteuil roulant, lui fait part de son projet. Présent à Rome parmi un groupe de pèlerins, le jeune homme a été briefé la veille, par un prêtre qui connaît le pape : « S’il vient te saluer, ne lui lâche pas la main et va droit au but. »

« Bonjour Saint-Père, je m’appelle Paul, je viens de France et je veux créer des fauteuils performants accessibles aux plus modestes. Accepteriez-vous de parrainer mon projet ? » L’ingénieur, originaire du Val-d’Oise, tend alors au pape une maquette du fauteuil qu’il construit pour lui. « Ses yeux se sont plissés, il a trituré un peu les roues en bois articulées et a souri, se souvient Paul de Livron. Il a relevé la tête et m’a dit : J’accepte. À qui dois-je m’adresser ? »

Avec son fauteuil actuel, « c’est comme s’il était en tongs ! »

Paul de Livron est devenu paraplégique à l’âge de 21 ans, après une chute lors d’une randonnée dans les calanques de Marseille. « Arriver dans un fauteuil roulant du jour au lendemain, c’est traumatisant. Et quand le fauteuil ressemble à du matériel d’hôpital, c’est encore pire, on ne veut surtout pas sortir. » Le sien lui a coûté 9 000 euros. « Il est très bien équipé, mais, en tant qu’ingénieur, je suis capable d’estimer qu’une partie du prix de vente disparaît je ne sais où. C’est aberrant. » L’ancien chef scout se fait une promesse : un jour, il fabriquera ses propres fauteuils, performants et esthétiques.

Début 2022, Paul de Livron rend visite à un ébéniste et remarque, dans l’atelier, une machine de découpe à commande numérique qui lui permettrait de réaliser son projet. Il se lance. Au printemps de la même année, le jeune homme se balade dans Paris avec son prototype en bois. À chacune de ses sorties, il reçoit des compliments : « Vous l’avez acheté où votre fauteuil ? », « Il est très beau ! », « Vous êtes beau avec votre fauteuil. »

Paul de Livron présente le deuxième fauteuil qu'il a créé.
Paul de Livron présente le deuxième fauteuil qu’il a créé. SOXH Factory/Harold Passini

Encouragé, il commence la construction d’un deuxième appareil, plus performant, qui lui va comme un gant. Le troisième modèle sera très différent. « Je voulais qu’il soit utilisé par une personnalité qui puisse apporter de la visibilité. » Le souverain pontife lui apparaît comme la figure idéale, d’autant que le fauteuil roulant noir et gris dans lequel il circule « ne convient pas du tout à son statut », juge Paul de Livron. « C’est comme s’il était en tongs ! »

« Les poutres datent du XIIIe siècle, elles sont contemporaines de saint François d’Assise »

Le feu vert ultime du pape obtenu, les questions pratiques affluent. Quid des mensurations ? Personne ne les lui donne, mais Paul de Livron parvient à s’en sortir grâce aux photos disponibles sur Internet. Pour le matériel, le trentenaire a une idée : récupérer du bois de la charpente de Notre-Dame de Paris, dont une partie a brûlé en 2019. « Les poutres datent du XIIIe siècle, elles sont contemporaines de saint François d’Assise, le saint patron du pape », explique-t-il. Ces morceaux de chênes retravaillés serviront d’accoudoirs.

Pour le reste, l’ingénieur a utilisé du contreplaqué de bouleau. Il a tout assemblé, limé, poncé, sculpté dans son atelier en Dordogne, qu’il occupe un tiers de l’année, et dans celui d’Eaubonne (Val-d’Oise), le reste du temps. Le dossier est grand, les finitions soignées. Un vide sous le siège sera comblé par une feuille dans laquelle figureront les noms des donateurs du projet.

Le fauteuil roulant du pape est terminé.
Le fauteuil roulant du pape est terminé. Paul de Livron

Paul de Livron espère que l’aventure se poursuivra et entend bien saisir les opportunités qui pourraient se présenter à lui après son cadeau au pape. Son objectif : développer des fauteuils haut de gamme, « très esthétiques », et, surtout, des fauteuils « low-tech », peu coûteux et performants, réalisés avec du matériel réutilisable.



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