Procès de la soumission chimique : malade et « hospitalisé », Dominique Pelicot ne témoignera pas ce mardi
Sa prise de parole était très attendue, elle sera finalement reportée. Accusé d’avoir drogué, violé et fait violer son épouse par des dizaines d’hommes recrutés sur Internet pendant près de dix ans, Dominique Pelicot devait s’exprimer ce mardi à Avignon, pour la première fois depuis l’ouverture de son procès. Mais il est toujours malade et ne pourra témoigner comme prévu, a annoncé le président de la cour criminelle de Vaucluse mardi, envisageant de suspendre le procès si cette absence perdurait. Et cela pourrait bien être le cas, puisque à la mi-journée, l’avocate du principal accusé a précisé que ce dernier était « hospitalisé ».
« Il a subi hier des prélèvements pour analyse. Le corps médical n’a pas les résultats. Monsieur Pelicot serait toujours souffrant. Je vais dans la journée requérir une prise en charge en urgence », a indiqué à l’ouverture de l’audience Roger Arata, précisant qu’il envisageait une « suspension de procès » qui pourrait durer plusieurs jours, le temps que l’état de santé de l’accusé s’améliore. Cette décision de suspension pourrait être prise au plus tôt mardi après-midi, le temps que le « rapport médical revienne » à la cour, a-t-il souligné, indiquant avoir ordonné une expertise médico-légale.
« Il est hospitalisé aujourd’hui même », a affirmé Béatrice Zavarro lors de ce septième jour d’audience de ce procès prévu pour durer quatre mois. « Ça n’aurait aucun sens de continuer hors sa présence, parce qu’un procès criminel ne se tient pas hors la présence d’un accusé », a-t-elle ajouté.
« Monsieur Pelicot ne se dérobera pas »
Dominique Pelicot devait s’exprimer initialement à partir de 16 heures, pour la première fois depuis l’ouverture de son procès le 2 septembre. L’homme de 71 ans était apparu très diminué en pénétrant dans son box, aidé de sa canne et s’appuyant aussi contre la vitre. Son avocate avait indiqué qu’il souffrait de douleurs intestinales. Le président de la cour avait alors accepté, avec l’accord des parties civiles, que celui-ci soit dispensé d’audience et examiné. Il a reçu des « soins » selon le président de la cour, qui n’a toutefois pas pu préciser leur nature.
Il s’agit de douleurs, qui auraient débuté vendredi, « pour lesquelles il n’a pas forcément reçu de soins sur les 48 heures du week-end », a assuré Me Béatrice Zavarro lors d’une suspension de séance. « Il dit depuis toujours qu’il veut être présent et témoigner. C’est indispensable. Pour lui c’est une chose certaine », a-t-elle précisé.
« J’ai entendu ce matin dans la salle d’audience des choses laissant entendre que manifestement son absence serait à dessein. Pas du tout ! Pour qu’on soit très clair, Monsieur Pelicot ne s’est pas dérobé. Monsieur Pelicot ne se dérobera pas. Monsieur Pelicot sera là, il répondra à toutes les questions », a-t-elle martelé. « Mais il y a cet ennui médical qu’il n’a pas programmé. Je ne pense pas que ce soit un homme robotisé qui puisse programmer son corps et décider des maux qu’il puisse subir », a-t-elle tancé.
Le risque plane désormais sur la tenue même du procès, si l’état de santé de Dominique Pelicot ne s’améliorait pas. Une hypothèse que son avocate a toutefois réfuté : « l’amplitude d’agenda de quatre mois a été suffisamment large, j’espère, pour pouvoir caler un rattrapage éventuel des séquences qui n’auront pas eu lieu », a-t-elle pointé. Les parties civiles ont également indiqué que ce procès ne pouvait se poursuivre qu’en la présence du principal accusé. « C’est également très important pour ses enfants qui n’ont pas encore déposé », a déclaré l’un de leurs avocats Stéphane Babonneau.
Avant même la prise de parole de Dominique Pelicot, les experts entendus lundi avaient mis en garde sur la valeur des propos que pourrait tenir ce « manipulateur » : « Même s’il faisait des excuses, le problème c’est qu’il est clivé, avec une empathie à zéro », avait ainsi prévenu le Dr Paul Bensussan, psychiatre, soulignant que l’accusé ne souffrait pour autant « strictement d’aucune pathologie mentale ». « On ne peut pas compter sur Monsieur Pelicot, il ment, se contredit » et « s’adapte au fur et à mesure », « il n’y a aucune propension à la sincérité » chez lui, avait-il insisté.
Aucun agresseur « ne pouvait ignorer » que la victime « était inconsciente »
En attendant de savoir si Dominique Pelicot pourra revenir rapidement à l’audience, la cour a commencé à entendre mardi matin Stéphan Gal, le second directeur d’enquête de ce dossier tentaculaire comptant 50 autres accusés, des hommes âgés de 26 à 74 ans, qu’il avait recrutés sur Internet pour venir violer son épouse, principalement à leur domicile de Mazan (Vaucluse).
Lors de sa déposition, il a confirmé les dires de son collègue, le commissaire divisionnaire Jérémie Bosse Platière, auditionné la semaine dernière : à la vue des milliers de photos et vidéos des faits méticuleusement enregistrées et classifiées par son désormais ex-mari, aucun des agresseurs « ne pouvait ignorer que Gisèle Pelicot était inconsciente ». « Certains sont revenus à plusieurs reprises d’ailleurs, et tous ne pouvaient pas ne pas être conscients qu’elle était dans un état d’inconscience profond, pour venir effectuer leur basse besogne », a-t-il estimé.
Évoquant l’interrogatoire d’un des accusés, Mathieu D., alias « Gaston », 62 ans, lors de l’enquête, le policier a expliqué que celui-ci « savait que Dominique Pelicot allait endormir sa femme » : « Mais il pensait que ça faisait partie d’un jeu sexuel. Il dit que cela lui avait été présenté comme un scénario et qu’il avait foncé, naïvement, tête baissée ». C’est là toute la question principale de ce procès, où 35 des 51 accusés reconnaissent les actes sexuels mais contestent l’intention de violer, prétendant avoir été « manipulés » par l’ex-mari.
Dans l’après-midi, ce sera le tour de l’expert informatique, qui avait été chargé de fouiller les ordinateurs, disques durs, téléphones et autres clés USB du principal accusé, dans lesquels avaient été retrouvées les milliers de photos et vidéos des viols de Gisèle Pelicot, commis entre juillet 2011 et octobre 2020.
Une cinquantaine de personnes suivent les débats
Ce procès hors norme suscite toujours un intérêt énorme, comme en témoigne le nombre croissant de journalistes du monde entier présents à Avignon, mais aussi le public qui se masse désormais quotidiennement pour assister aux retransmissions des audiences dans une salle annexe. Gisèle Pelicot avait dès l’ouverture du procès annoncé vouloir que les débats soient « publics ».
Mardi, une cinquantaine de personnes ont pu entrer dans cette salle annexe où les débats sont retransmis sur trois écrans. Et une trentaine d’autres, des étudiants en droit ou des militantes féministes, attendaient qu’une place se libère. Ce public, hommes, femmes de tous âges, restait silencieux, certains écarquillant les yeux ou se plaçant une main devant la bouche, lorsque l’enquêteur entendu dans la matinée décrivait sans éluder les détails les plus crus les faits qui se sont déroulés dans la chambre du couple Pelicot.