à Ganges, Macron esquive les manifestants


REPORTAGE. Emmanuel Macron a visité le collège de Ganges jeudi dans l’Hérault. Bien protégé de 2 000 manifestants hostiles, qui n’ont pas pu l’approcher, mais se sont fait entendre.






De notre envoyé spécial à Ganges, Henri Frasque


Quelque 2 000 manifestants sont venus a Ganges exprimer leur colere contre la reforme des retraites d'Emmanuel Macron.
Quelque 2 000 manifestants sont venus à Ganges exprimer leur colère contre la réforme des retraites d’Emmanuel Macron.
© SYLVAIN THOMAS / AFP

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« À bas la Ve République ! » « Louis XVI, Louis XVI, on l’a décapité. Macron, Macron, on va recommencer ! » « Et nous aussi, on va casser la France ! » Ces slogans rageurs, accompagnés de sifflets, de tintements de casseroles et de jets d’œufs et de pierres, Emmanuel Macron n’en a entendu que l’écho assourdi, ce jeudi matin, depuis le collège public Louise-Michel, à Ganges (4 000 habitants), dans l’Hérault, où il était venu parler éducation et revalorisation du salaire des enseignants avec le ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye.

Pour éloigner les fâcheux – environ 2 000 manifestants farouchement hostiles à sa réforme des retraites –, des centaines de gendarmes barraient les accès de toutes les rues aux alentours du collège. Le président de la République a pu y évoluer en toute quiétude pendant que ses opposants tentaient, en vain, à plusieurs reprises, de franchir les mailles du filet.

À LIRE AUSSICes mots qui écorcheraient la bouche de Macron

Quelques échauffourées ont eu lieu dans la matinée : vers 10 heures, les gendarmes ont fait usage de gaz lacrymogènes pour faire reculer des manifestants qui tentaient de forcer le passage. Ils ont essuyé en retour des jets de pierres, mais n’ont pas chargé la foule.

Martine, une retraitée : « Il est venu voir les gueux »

« Il est venu voir les gueux », grince Martine, une sexagénaire tatouée. Cette jeune retraitée des finances publiques est venue s’exprimer à coups de casserole, avec son amie Chantal. Le préfet ayant interdit, par arrêté, les « dispositifs sonores portatifs », plusieurs manifestants se sont vu confisquer les leurs par les forces de l’ordre. « Un choix des gendarmes », assure la communication de l’Élysée.

À LIRE AUSSIComment la casserole est devenue politiqueParmi les motifs de colère des manifestants : la fermeture récente de la maternité de Ganges, dépendant d’une clinique privée, faute d’un nombre suffisant de naissances. « Depuis sa fermeture, les habitants de ma commune sont obligés de faire deux heures de voiture », déplore la maire divers gauche du Vigan, une commune voisine. L’élue qualifie la visite du chef de l’État – qui n’a pas invité la plupart des maires des environs à la visite du collège – de « provocation ».

Parmi les manifestants : Lio, 34 ans, ex-sage femme à la maternité locale, et exerçant désormais en libéral. « S’il n’y a plus de maternité, les jeunes couples ne viendront plus s’installer dans la région », regrette la soignante. Ce qu’elle attend d’Emmanuel Macron ? « Rien. Qu’il s’en aille. » Sa maman de 72 ans, ancienne infirmière, frappe joyeusement sur un couvercle pour exprimer sa colère. Elle en veut aux « élites qui se gavent pendant que nous, le peuple, on va être obligé de travailler deux ans de plus ».

Une enseignante : « Nous revaloriser ? Ça fait 20 ans qu’on devrait l’être »

Beaucoup d’enseignants parmi les manifestants. Élise, 38 ans, professeure de maths dans un collège dans un quartier d’éducation prioritaire à Béziers, et militante du Parti communiste, ne croit pas aux augmentations promises. « Notre premier problème, c’est la surcharge de travail. Ce n’est pas ça qui va augmenter le nombre de professeurs. »

Enseignant dans un lycée de Nîmes et syndiqué FSU, Emmanuel Bois, 49 ans, ne croit pas à l’augmentation pour tous. « Ça fait cinq ans qu’il le dit, et il n’a encore revalorisé personne. » « Nous revaloriser ? Ça fait vingt ans qu’on devrait l’être, ce n’est pas un cadeau », balaie Isabelle, 50 ans, professeure des écoles à Sommières. Les deux heures facultatives par semaine, pour remplacer au pied levé des enseignants absents ? « On va les faire quand ? Les collègues sont épuisés, et n’en peuvent plus. »

À LIRE AUSSIAllocution de Macron : comment sauver l’Éducation nationale ? Dans la foule, des manifestants, des cheminots, des métallurgistes, des salariés de Sanofi, et même des paysans : « Je me bats contre la réforme des retraites, mais aussi contre l’agriculture industrielle », assure Olivier, viticulteur et membre de la Confédération paysanne, qui a été « de toutes les manifs ». Ce qu’il attend du président : « Qu’il s’en aille. Et qu’il arrête de faire monter Marine Le Pen. »

« Il ne veut pas nous entendre. Mais je continuerai de me battre jusqu’à mon dernier souffle », jure Nathalie, technicienne dans une usine d’Alès et militante à la CGT. Esquivant les manifestants, qui avaient bloqué la route entre Ganges et Montpellier, Emmanuel Macron a ensuite filé vers Pérols, une commune périurbaine proche de Montpellier. Pour une déambulation surprise qui lui a permis d’afficher l’image d’un président au contact de Français nettement moins hostiles.




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