à Rennes, le 49.3 a mis le feu à la ville


REPORTAGE. Jusqu’à 4 heures du matin ce vendredi, plusieurs centaines de personnes ont violemment affronté les CRS après la décision du gouvernement de dégainer l’arme législative.






De notre envoyé spécial à Rennes, Charles Guyard


Des debordements lors de la manifestation a Rennes (Ille-et-Vilaine) contre l'adoption de la reforme des retraites par l'article 49 3, dans la nuit du jeudi 16 au vendredi 17 mars.
Des débordements lors de la manifestation à Rennes (Ille-et-Vilaine) contre l’adoption de la réforme des retraites par l’article 49 3, dans la nuit du jeudi 16 au vendredi 17 mars.
© Angeline Desdevises/Hans Lucas via AFP

Premium Lecture audio réservée aux abonnés


Ce vendredi 17 mars, les artisans étaient nombreux à s’affairer dans les rues de Rennes (Ille-et-Vilaine) pour réparer, colmater ou remplacer, par de grandes planches de contreplaqués, des vitrines cassées. Mobilier urbain dégradé, banques, agences immobilières et commerces saccagés voire pillés, des pompiers qui ont dû intervenir plus d’une quarantaine de fois pour éteindre des incendies allumés jusque devant la porte de la mairie : les stigmates d’une nuit agitée étaient encore visibles à la mi-journée. L’activation par le gouvernement, jeudi, de l’article 49.3 de la Constitution pour l’adoption sans vote du texte sur la réforme des retraites, a déclenché la colère dans la ville bretonne comme ailleurs en France.

Jusqu’à 4 heures du matin, plusieurs centaines d’individus ont violemment affronté les CRS, qui ont procédé à 14 interpellations et 13 placements en garde à vue. « Notre ville ne peut être abandonnée à la violence des casseurs », a déploré la maire Nathalie Apéré (PS).

Un cri d’alarme qui a résonné jusqu’à la Place Beauvau puisque le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a aussitôt envoyé, sur place, une compagnie spécialisée dans les violences urbaines, la CRS 8, composée de deux cents éléments. Un renfort d’autant plus urgent qu’un nouvel appel à manifester avait été lancé par l’intersyndicale pour 11 heures ce vendredi.

« Une demi-surprise »

Sauf que cette fois, tout s’est déroulé dans le calme. Dans le cortège, environ 3 000 personnes, toutes générations confondues, sont (re)venues crier leur colère après le 49.3 dégainé par Élisabeth Borne. « La goutte d’eau après plusieurs semaines de lutte, s’agace ainsi Noé, 18 ans. Ce énième 49.3 est encore plus douloureux car depuis plusieurs jours, les membres du gouvernement, et Gabriel Attal notamment, n’ont cessé d’affirmer qu’ils ne l’utiliseraient pas ! C’est vraiment se foutre de la gueule des gens. »

À ses côtés, Adèle, 19 ans, a elle aussi préféré venir battre le pavé plutôt que d’aller en cours. « Malgré les partiels qui approchent, je considère que c’est plus important d’être ici. Ce 49.3 prouve que Macron n’a pas de majorité ! » Plus loin, Yannick et Brigitte, un couple de retraités, n’ont pas hésité à se ranger derrière les bannières revendicatives : « On n’est pas concernés mais on est venus par solidarité pour nos enfants, montrer notre désaccord, même si, au fond, le 49.3 n’est qu’une demi-surprise. »

À LIRE AUSSIRéforme des retraites : derrière la colère, six ans de méprisSi la plupart des participants n’en étaient pas à leur première manifestation contre la réforme des retraites, c’est bien le recours à cet article de la Constitution qui a fait sortir Antonio dans la rue. « Ça a été le vrai déclencheur pour moi, gronde ce mécanicien de 58 ans. La pénibilité, je la sens bien dans mon métier. Comme pour les maçons ou les plombiers, on a des problèmes de bras, d’épaules, et ça, Macron ne le sait pas car il est dans son bureau. On se bat pour pouvoir partir assez tôt et profiter un peu de notre retraite ! » S’il ne cautionne pas les graves débordements de la nuit dernière, ce quasi-sexagénaire l’assure : « La vraie violence vient d’en haut, c’est le mépris ! »

« Le caprice de Macron »

Une violence que « condamne » aussi Mathilde Hignet. Ceinte de son écharpe tricolore, la députée France insoumise de la 4e circonscription d’Ille-et-Vilaine a rejoint le cortège rennais ce vendredi. « 80 % des Français sont opposés à cette réforme, il faut les écouter ! » clame l’élue.

À LIRE AUSSICoignard – Élisabeth Borne : touchée mais pas coulée ! La veille, dans l’hémicycle, elle a pourtant constaté avec sidération, et en direct, la surdité gouvernementale et « le caprice de Macron ». Pour Mathilde Hignet, le locataire de l’Élysée a lui-même soufflé sur les braises : « Depuis le début, les manifestations se passaient bien, les gens étaient calmes, mais ils entendent parler du 49.3 depuis cet automne et savent que c’est un déni de démocratie. Malheureusement, là, ils l’ont montré par la violence. »

Vers 13 h 30, tout le monde s’est dispersé sans heurts, place de Bretagne, en se donnant rendez-vous ce week-end, les syndicats ayant appelé à des « rassemblements de proximité », puis jeudi 23 mars pour une nouvelle journée de mobilisation nationale. Ce sera la neuvième.




Lien des sources