Bruxelles autorise la France à limiter les vols domestiques


Publié le 2 déc. 2022 à 13:10Mis à jour le 2 déc. 2022 à 17:32

La Commission européenne aura bien fait durer le suspense concernant la décision française d’interdire l’avion sur les liaisons desservies par le train en moins de 2 h 30 . Alors que le verdict de Bruxelles confirmant cette règle tout en limitant ses effets a été rendu jeudi 1er décembre en toute discrétion, la rumeur d’une extension de cette interdiction aux vols en correspondance d’Air France à Roissy-CDG a suscité un certain émoi dans le secteur, vendredi matin.

A la lecture du texte désormais disponible, il se confirme que la Commission européenne a bel et bien validé, comme attendu, la légalité de la mesure française, estimant qu’elle répondait à « une situation d’urgence climatique ». Cependant, cette interdiction devra être réexaminée dans trois ans, conformément à la règle européenne qui impose une limitation dans le temps.

Quant aux vols en correspondance à Roissy-CDG, ils devraient bien échapper à cette interdiction, comme le prévoyait le projet de décret français initial. Et ce, bien que la Commission européenne ait effectivement rejeté le principe d’une exemption d’office, sans condition de durée, pour tous les vols composés majoritairement de passagers en correspondance, estimant qu’une telle exemption favorisait Air France au détriment de ses concurrents.

Le hub de Roissy-CDG épargné

Afin de contourner ce point de blocage, le texte final du décret français, qui ne sera pas publié avant plusieurs semaines, ne devrait donc pas formuler d’exemption de principe pour les vols en correspondance et s’en tenir à la règle générale des 2 h 30. Néanmoins, le temps de trajet retenu étant celui entre deux gares, les liaisons entre Roissy-CDG et Bordeaux, ainsi qu’entre Roissy-CDG et Nantes, ne devraient pas tomber sous le coup de l’interdiction. En effet, les temps de trajet en train sont de l’ordre de 3 h 30 entre la gare de Bordeaux et celle de Roissy-CDG et de trois heures pour celle de Nantes.

De même, les liaisons entre Roissy-CDG et Lyon et Rennes, ainsi qu’entre Lyon et Marseille devraient également échapper à l’interdiction de l’avion, l’offre ferroviaire actuelle ne permettant pas d’arriver suffisamment tôt à Roissy-CDG et à Lyon-Saint-Exupéry pour pouvoir prendre les vols en correspondance. La règle de substitution stipule que l’alternative ferroviaire doit offrir un service de qualité équivalente. Cependant, l’interdiction pourrait s’appliquer si la SNCF modifie ses horaires du matin et du soir en conséquence.

Eviter un transfert de trafic vers Francfort ou Londres

Dans l’immédiat, cette décision de la Commission européenne ne devrait donc pas changer grand-chose à la situation actuelle d’Air France, qui a déjà renoncé aux liaisons concernées – notamment la ligne Orly-Bordeaux, qui représentait plus de 560.000 passagers par an. La compagnie tricolore va pouvoir continuer à assurer ses vols en correspondance depuis Bordeaux à Roissy-CDG, évitant ainsi de voir une partie de sa clientèle long-courrier s’orienter vers les hubs de Francfort ou de Londres, tout en ayant l’assurance qu’aucune autre compagnie ne pourra reprendre la ligne au départ d’Orly.

L’art de ménager tout le monde

La décision de Bruxelles donne satisfaction au gouvernement français. Dans un communiqué, le ministre chargé des Transports, Clément Beaune, a déjà salué cette décision. « A la suite de cette décision favorable, le gouvernement soumettra le décret à la consultation du public, puis au Conseil d’Etat, avant son adoption, le plus rapidement possible », indique le communiqué.

Le verdict bruxellois offre également une petite victoire aux représentants de l’écologie politique, sans pour autant leur donner entièrement satisfaction. « Victoire ! » s’exclame dans un tweet, la députée européenne EELV Karima Delli. « La Commission européenne donne son feu vert à l’interdiction française des vols intérieurs s’il y a une alternative de moins de 2 h 30 en train. Cela va dans le bon sens mais il faut porter le seuil à 4 heures… Et surtout, intégrer les jets privés à cette interdiction ! » conclut la députée.

Un impact malgré tout

Pas sûr, en revanche, que cette décision convienne aux associations d’aéroports et de compagnies européennes, qui auraient voulu une exemption pour tous les vols à majorité de passagers en correspondance. Un nouveau recours juridique contre cette décision n’est donc pas à exclure. Car si cette règle des 2h30 n’entraînera pas dans l’immédiat, de nouvelles fermetures de lignes, elle constitue néanmoins une entrave potentielle à des ouvertures de lignes et au développement du transport aérien intra-européen. Rien qu’en France, cette interdiction concernerait potentiellement plus de la moitié des 40 plus grandes villes.

Toutefois, l’interdiction n’est pas définitive et elle reste liée aux émissions de CO2 des avions actuels. Or Airbus et d’autres acteurs de l’aéronautique planchent déjà activement sur des projets d’avions neutre en carbone, voire «zéro émission», qui pourraient arriver dès le milieu de la prochaine décennie sur les liaisons court-courriers. Si ce projets tiennent leurs projets, l’avion deviendra alors le mode de transport le plus vertueux pour l’environnement.



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