ce que recommande le Haut Conseil à l’égalité




La pornographie est depuis quelques années dans le collimateur des associations féministes et de la justice. Une enquête ouverte en octobre 2020 contre la plateforme French Bukkake a notamment fait l’effet d’un électrochoc : 17 hommes seront jugés prochainement pour des violences sexuelles, commises lors de tournages de films pornographiques.

Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), instance consultative indépendante présidée par Sylvie-Pierre Brossolette, présente mercredi 27 septembre à 14 heures un rapport intitulé « Pornocriminalité : mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique ». Il formule dix recommandations principales pour mettre fin à son « impunité ».

Des haines « raciste et LGBTphobe omniprésentes »

Derrière les arguments du « cinéma » ou de la « liberté artistique « se cachent de véritables violences. C’est en substance ce que dénonce le rapport. « Les violences sont réelles. Ce n’est pas du cinéma », expliquent ses auteurs, membres du Haut Conseil à l’égalité et de la commission contre les violences faites aux femmes.

Ils citent notamment la procureure de Paris, Laure Beccuau, qui durant une audition devant le Sénat a indiqué que 90 % des contenus pornographiques contenaient de la violence physique ou verbale, et étaient donc pénalement répréhensibles. Malgré des signalements faits sur la plateforme Pharos à propos de 35 vidéos aux titres explicites comme « Écolière se fait sodomiser » ou « Une rousse se fait électrocuter, torturer et baiser », aucune n’a été retirée.

Outre les femmes, dont les corps sont « morcelés » avec des vidéos intitulées « gros cul » ou « gros seins », renforçant un processus de déshumanisation, d’autres personnes sont également victimes de l’industrie pornographique. « Les haines raciste et LGBTphobe y sont également omniprésentes », pointe le rapport. La sexualité lesbienne est aussi fétichisée. Les hommes noirs sont réduits à leur pénis, tandis que les femmes « arabes » tournent dans les caves des cités. Sur les plateformes, le rapport a dénombré 1,5 million de vidéos dans des catégories racistes : « beurette », « interracial », « racial domination »…

Nouvelle infraction générique d’exploitation sexuelle

« En France, les procédures judiciaires dévoileraient un système bien rodé de viols en réunion et de traite sexuelle, avec des techniques de manipulation et de rabattage propres aux modes opératoires des proxénètes, selon le rapport. Les acteurs violeraient sur commande, les femmes seraient forcées de feindre un sourire à la caméra pour que leur supplice s’arrête. » Le HCE souhaite que soit réaffirmée l’interdiction de la marchandisation de la sexualité d’autrui et créer une nouvelle infraction générique d’exploitation sexuelle qui intégrerait les nouvelles formes de cyberexploitation sexuelle.
D’autres plateformes se sont développées, comme OnlyFans, avec 12,5 milliards engrangés en 2022. Le HCE le définit comme un « site de pornographie en streaming » qui sert de lieu de recrutement et d’exploitation pour les proxénètes. « Derrière ces cam-girls se cachent des organisations criminelles structurées », a expliqué au HCE Elvire Arrighi, ex‐cheffe de l’OCRTEH (Office central pour la répression de la traite des êtres humains), constatant une ubérisation de la prostitution et une porosité́ entre pornographie, caming et réseaux de proxénétisme.

Un droit à l’oubli pour les personnes filmées

Prenant l’exemple de l’affaire French Bukkake, le HCE plaide pour l’instauration « d’un droit de retrait simple et effectif » des vidéos pornos « à toute personne filmée qui le sollicite ». Car le parcours des survivantes des violences pornocriminelles est souvent accompagné de dépressions, de déscolarisation, d’addictions et de tentatives de suicide. « Que les femmes aient porté plainte ou non, que les vidéos aient été extorquées ou non, le caractère irréversible de leur diffusion est, de toute façon, une atteinte grave à leurs droits fondamentaux : elles sont condamnées à une mort sociale et à une stigmatisation qui peut même être un frein, pour les “actrices”, à sortir de ce système qu’elles trouvent violent. »

Mettre en place des séances d’éducation sexuelle et affective

La France est le troisième pays le plus consommateur de porno. En janvier 2023, « plus de 14 millions de personnes sont allées sur Pornhub, 7,6 sur Xhamster, 7,4 sur XVideos et 6,3 sur Xnxx », rappelle le rapport. Soit 35,5 millions de personnes en tout qui sont allés sur l’un des quatre principaux sites pornographiques. Parmi eux, de nombreux mineurs, dont l’âge moyen pour une première exposition au porno est de 10 ans. Le rapport plaide pour que l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel et du numérique, puisse bloquer et imposer des sanctions financières lourdes aux sites qui n’appliquent pas la loi votée en 2020, les obligeant à contrôler l’âge de leur consommateur.
Cette exposition chez les jeunes garçons peut entraîner par la suite des « comportements sexuels préjudiciables ». « Une étude sur 1 000 jeunes britanniques a montré que 47 % estiment que les filles s’attendent à une agression physique pendant un rapport sexuel, et 42 % pensent que les filles les apprécient », pointe ainsi le Haut Conseil à l’égalité.

Outre un accès restreint pour les mineurs, le rapport recommande de déployer un plan de mise en œuvre pour « garantir les trois séances à l’éducation sexuelle et affective dans toutes les classes, incluant une critique de la pornographie et une prévention des pratiques prostitutionnelles ».

Le HCE souhaite aussi définir précisément la pédopornographie, « afin de lever toute possibilité de divergence d’interprétation ». Ici, seule l’intention voulue par le titre ou l’image compterait pour qualifier la pédopornographie, sans nécessité de vérifier l’âge de la personne. « Notre étude dénombre également 1,3 million de vidéos pédopornographiques, qui sont des catégories très recherchées, avec des mots‐clés comme “papa”, “écolière”, “teen”, “sœur et frère” », affirme le HCE, qui ajoute que 165 000 enfants sont violés chaque année en France.




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