ce qui changera (ou pas) après la présidentielle




Une crise à bas bruit. Depuis la décision de la France, fin juillet, d’apporter son soutien au plan d’autonomie défendu par le Maroc pour le Sahara occidental et de reconnaître la « marocanité » de ce petit territoire contesté, le courant ne passe plus entre Paris et Alger.

Le 30 juillet, les autorités algériennes ont « retiré » leur ambassadeur en France pour exprimer leur mécontentement. Pour elles, le sujet du Sahara occidental est une ligne rouge : elles appuient les indépendantistes du Front Polisario et réclament un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU. Elles ont d’ailleurs dénoncé une « décision inattendue, inopportune et contre-productive ». « Le gouvernement algérien tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française et dont le gouvernement français assume seul la pleine et entière responsabilité », avaient-elles aussi prévenu.

Tout l’été, les acteurs du bilatéral ont appréhendé un déclenchement de sanctions ou de discours antifrançais. Tous redoutaient un remake du précédent espagnol. En mars 2022, Madrid, qui avait toujours prôné la neutralité sur ce dossier, s’était aligné derrière le plan d’autonomie marocain. Alger déclencha une série de sanctions contre Madrid : non-rétablissement des liaisons aériennes et maritimes après la pandémie, arrêts des importations, suspension du traité d’amitié, et d’autres mesures rendant soudainement la coopération impossible dans de nombreux domaines, du secteur bancaire jusqu’à la culture.

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Difficile reconstruction du bilatéral

Depuis, les canaux se sont rouverts, les liaisons aériennes et maritimes comme les importations ont repris et un retour complet à la normale est attendu dans les mois qui viennent. « Mais le mal est fait, observe un diplomate espagnol à Madrid. Il sera, par exemple, difficile de convaincre les entrepreneurs espagnols de revenir faire du business avec l’Algérie. » Retricoter ce qui a été défait s’avère très difficile. Les Français le savent, eux qui, après la crise provoquée par les propos d’Emmanuel Macron en 2021 contre le système militaire, après la crise provoquée par la fuite de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui, ont mis beaucoup d’énergie à reconstruire le peu qui avait été fait entre les deux pays, sans réel résultat.

Sur le plan économique, aucun litige n’a été réglé et aucun investissement franco-algérien n’a vu le jour. Sur le plan culturel, aucun projet n’a réussi à se monter. Sur le plan sécuritaire, le bilan est aussi très mitigé. Seules les armées parviennent à travailler et semblent échapper à la pollution politique.

À LIRE AUSSI Algérie : retenez-moi ou je fais un malheur ! Officiellement, la seule mesure de rétorsion prise par Alger a été le retrait de l’ambassadeur. En réalité, les entraves et les blocages de l’administration se sont multipliés, notamment en matière de visa ou de reprise des migrants clandestins frappés d’OQTF (décision administrative permettant de les expulser vers l’Algérie).

« Nous ne sommes ni dans le très mauvais, ni, évidemment, dans le très bon. Nous sommes au niveau neutre, il ne se passe quasi rien dans la coopération. Le bilatéral est mis sous cloche, mais sans plus d’hostilité », souligne un acteur de la coopération, néanmoins découragé par les soubresauts de l’ascenseur émotionnel du bilatéral.

Les Algériens ayant des intérêts dans les deux pays soulignent le fait que les discours électoraux des trois candidats à la présidentielle du 7 septembre (et les médias gouvernementaux) ont évité de cibler Paris et de dénoncer sa position sur le Sahara occidental. Pourtant, ce dossier sahraoui a été abordé par les candidats et leurs soutiens tout au long de la campagne électorale. D’autres observateurs avancent que la période électorale a imposé de facto une « pause » dans le feuilleton des tensions entre Paris et Alger.

Alger scrute Macron

L’attitude française officielle, consistant « à calmer le jeu sans réagir à d’éventuelles sanctions », pour reprendre une source à Paris, aurait aussi participé à refroidir les ardeurs algériennes. Peut-être pour un moment. « Après, la France, ce n’est pas l’Espagne. On ne peut imaginer la suspension des vols entre les deux pays, la dénonciation d’accords importants, ou même l’arrêt de la coopération économique, qui implique surtout des entrepreneurs franco-algériens… », appuie un connaisseur du dossier.

« Personne ne peut préfigurer ce qui se passera après la présidentielle », reconnaît-on à Paris. « Tout dépendra aussi de l’attitude de l’Élysée après l’élection. La dernière fois, c’était plus que tendu », rappelle un ex-diplomate algérien.

Lorsqu’Abdelmadjid Tebboune avait été élu président, en décembre 2019, Emmanuel Macron s’était contenté de « prendre note » tout en insistant sur « le dialogue qui doit s’ouvrir entre les autorités et la population ». Réaction, le jour même du nouveau chef de l’État algérien : « Je ne lui répondrai pas. […] Moi, j’ai été élu par le peuple algérien et je ne reconnais que le peuple algérien. »

Cinq jours plus tard, Macron présentait à Tebboune ses « vœux sincères de succès » lors d’une conversation téléphonique, au cours de laquelle, « les deux chefs d’État sont convenus de travailler ensemble au développement des relations d’amitié, de respect et de confiance entre la France et l’Algérie et à la coopération sur les crises régionales ».

L’indice probant qui pourrait esquisser l’avenir de la relation reste la possibilité de la visite du président algérien à Paris, reportée deux fois, et, selon certaines sources, a priori assez compromise. Une visite d’État en automne aurait nécessité un temps de préparation qui n’a pas été – et n’est plus – disponible. Le déplacement prévu dans les semaines à venir de Macron chez le voisin marocain sera scruté par Alger geste par geste, parole par parole, pour y déceler les arguments d’un rehaussement du degré de la crise.

« La relation pourrait être condamnée à rester en l’état, sans avancée ni crise grave. Une sorte de banalisation d’un bilatéral vide de tout projet, sans ambition ni réalisation à deux », confie, fatidique, un sherpa franco-algérien du bilatéral. « Tebboune est probablement le dernier président avec lequel Paris pourrait parler sereinement. On a raté une fenêtre de tir, qui sait quand cela se représentera… »




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