Coup de chaud sur l’assurance des professionnels de santé


Publié le 27 sept. 2023 à 11:25Mis à jour le 27 sept. 2023 à 11:26

Se couvrir en cas d’erreur de diagnostic ou d’acte médical raté coûte de plus en plus cher aux médecins. Les assureurs spécialistes de la responsabilité civile (RC) médicale se préparent à augmenter de nouveau leurs tarifs, en 2024. En cause : des litiges toujours plus coûteux, malgré une baisse de la fréquence des accidents.

« Nos tarifs vont augmenter de 5 % à 6 % l’an prochain, après une hausse de moins de 5 % cette année et de 3,5 % en 2022 », annonce aux « Echos » Philippe Auzimour, directeur général de Branchet, courtier spécialiste de l’assurance des chirurgiens, filiale du groupe Verspieren. Cette augmentation est liée à la forte hausse du coût de la « réparation » des dommages corporels et à la hausse des salaires, qui renchérit l’indemnisation financière des victimes ».

Chirurgiens récidivistes

Chez Branchet, qui cède ses risques à l’américain Berkshire Hathaway, les moyennes annuelles ne s’appliquent pas aux 5 % de chirurgiens récidivistes. Pour ces risques aggravés, de fortes majorations sont appliquées pendant deux ans, avant un éventuel retour à la grille classique.

A la MACSF, qui couvre toutes les professions médicales, « les majorations tarifaires que nous pratiquerons seront très modérées » en 2024, a promis Nicolas Gombault, directeur général délégué, au cours d’une conférence de presse. Quant aux infirmières « en pratique avancée » (IPA), qui peuvent prescrire des médicaments ou pratiquer des actes sans prescription, elles ne paieront pas de surprime quand elles exercent en libéral. Leur nombre reste néanmoins, de toute façon, très faible.

« Marché sous tension »

La mutuelle historique du secteur assume sa modération tarifaire face à des concurrents qui pratiquent des augmentations « à deux chiffres », selon son directeur général Stéphane Dessirier. Les revalorisations tarifaires des dernières années ont permis à un autre gros acteur, Relyens (ex-Sham) de revenir, avec sélectivité, sur le marché des hôpitaux publics.

Pour 2023, La Médicale, filiale de Generali, constate « une tendance haussière de l’ordre de 7,5 % », sur le marché et sur son propre portefeuille. « Depuis plusieurs années, la responsabilité civile médicale est sous tension du fait d’une judiciarisation des dossiers toujours plus forte et d’un coût moyen toujours plus élevé sur les sinistres, affirme l’assureur. Le marché de la réassurance [assurance des assureurs, NDLR] a également subi une forte inflation. »

Malgré le retrait de certains assureurs comme le bermudien AmTrust ou l’irlandais MIC, récemment revendu par le groupe Covéa, « le marché reste assurable », estime Philippe Auzimour. « Depuis 2021, nous sommes passés d’un sinistre tous les trois ans par chirurgien à un sinistre tous les quatre ans en moyenne, grâce au coaching des assurés sur la prévention des risques », explique-t-il.

Mais un problème de taille demeure : « nous avons toujours le même pourcentage de sinistres supérieurs à 500.000 euros et 5 % des assurés représentent toujours les trois quarts du coût total des dossiers », pointe le courtier.

Dentistes « bouchers »

La MACSF assume de ne pas gagner d’argent avec la responsabilité civile médicale, un produit socle pour sa clientèle, à qui elle vend aussi de l’assurance santé et des produits d’épargne. Chaque année, sur ses 100 millions d’euros de primes encaissées en responsabilité civile médicale, la mutuelle verse environ 60 millions d’euros d’indemnités et provisionne quelque 50 millions d’euros pour les futurs litiges (par exemple 25 millions pour le scandale de la Dépakine).

La mutuelle a comptabilisé 426 jugements impliquant ses assurés en 2022, presque autant qu’avant le Covid, dont 72 % de condamnations. La facture la plus élevée atteint 7,3 millions d’euros. Ce montant correspond à l’indemnisation du préjudice d’un enfant atteint de trisomie 21 : le médecin n’avait pas prescrit d’amniocentèse à la mère, âgée de 39 ans lors de sa grossesse.

Dans l’affaire des deux dentistes « bouchers » de Marseille, la MACSF a dû payer de coûteux frais de justice pour ses deux assurés, mais l’indemnisation de plus de 300 victimes de mutilations est à la charge des deux hommes, condamnés l’an dernier à cinq et huit ans de prison.



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