Emploi des seniors : syndicats et patronat ont les coudées franches pour négocier

Publié le 21 nov. 2023 à 18:39Mis à jour le 21 nov. 2023 à 19:13
Les deux gros – et polémiques – dossiers de la retraite complémentaire et de l’assurance-chômage ne sont pas encore refermés qu’un nouveau chantier d’envergure démarre. Il était attendu depuis plusieurs jours déjà. Le gouvernement a adressé ce mardi aux partenaires sociaux le document d’orientation par lequel il leur demande d’ouvrir des négociations sur un « nouveau pacte de la vie au travail ».
La formule n’est pas nouvelle. Elle avait été utilisée en avril par Emmanuel Macron lorsqu’il avait tenté de renouer sans succès le dialogue avec les syndicats. Elle englobe trois sujets : la mise en place d’un compte épargne temps universel (Cetu), l’emploi des seniors, avec l’objectif de parvenir en 2030 à un taux d’emploi de 65 % chez les 60-64 ans (contre 36,2 % en 2022), et la progression des carrières, les reconversions professionnelles ou la lutte contre l’usure professionnelle.
Pas de marge de manoeuvre financière
Le principe en avait été annoncé en juillet par Elisabeth Borne . Le contenu du document ne comporte pas de surprises par rapport aux grandes lignes qui ont déjà circulé , y compris sur le Cetu. A signaler tout de même l’absence de marges de manoeuvre financières sur laquelle insiste le texte.
Sur le Cetu ? Pas question de toucher au cadre fiscal et social. Sur l’emploi des seniors ? « La négociation ne pourra avoir un impact défavorable sur les finances publiques ». Sur les carrières, reconversions et l’usure professionnelle ? Il faudra « prendre en compte la soutenabilité des finances publiques ».
A signaler aussi une précaution qui a son importance. Le gouvernement doit encore décider s’il agrée – ou pas – la future convention d’assurance-chômage traduisant l’accord conclu entre le patronat et la CFDT, FO et la CFTC. Mais il a pris soin de cranter dans son document d’orientation l’engagement pris par les signataires d’adapter les règles d’indemnisation des seniors au relèvement de l’âge de la retraite pour obtenir 440 millions d’euros d’économies.
Champ de négociation assez large
La mention est évidemment très polémique pour les non-signataires, CGT et CFE-CGC. Mais la tonalité générale du texte tranche avec celle des précédents, ce qui ne laisse pas un grand suspens sur la suite qui sera donnée à l’invitation gouvernementale. En application de l’article L1 du Code du travail, patronat et syndicats doivent être saisis par l’exécutif de tout sujet ayant trait à l’emploi et aux relations de travail mais peuvent refuser de négocier. Ce ne sera pas le cas.
Le document « n’est vraiment pas prescriptif », il « n’enferme pas la négociation », souligne Pierre Burban, le secrétaire général de l’U2P. « Ça change de ces dernières années, ça ouvre un champ assez large de négociation », insiste Yvan Ricordeau, le numéro deux de la CFDT. La centrale « milite depuis longtemps pour lancer un grand chantier sur la question du travail, elle voulait l’ouvrir avant la réforme des retraites, cela arrive après », ajoute-t-il, y voyant la négociation la plus large depuis celle sur le marché du travail, en 2013. Avec une inquiétude tout de même : « le cadre budgétaire constant » que veut imposer le gouvernement.
Obligation de réussite
« Cela reste un document d’orientation assez ouvert. Reste à voir ce que le patronat est prêt à mettre sur la table pour le maintien des seniors en emploi, et à s’assurer que les 50-60 ans ne passent pas à la trappe », a abondé Michel Beaugas pour FO, soulignant que sur cette négociation, les partenaires sociaux ont « quand même une obligation de réussite ».
Rendez-vous dans quatre mois, le gouvernement envisageant le terme de la négociation vers mi-mars, pour pouvoir reprendre dans un projet de loi – comme s’y est engagée Elisabeth Borne – les éléments d’un éventuel accord qui le nécessiteraient.