Faillite de Silicon Valley Bank : le mea culpa de la Réserve fédérale


Publié le 28 avr. 2023 à 18:45

C’est une reconnaissance de culpabilité explicite. « Les autorités de surveillance n’ont pas pleinement apprécié l’ampleur des vulnérabilités de la banque ou pris des mesures suffisantes pour s’assurer qu’elle corrigeait ses problèmes assez rapidement ».

Un mois et demi après la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB), la Réserve fédérale a fait son mea culpa en publiant, vendredi, le résultat de son enquête interne. Le 10 mars, une panique (« bank run ») des clients de SVB, inquiets de perdre leurs dépôts, avait provoqué la crise bancaire la plus grave depuis 2008 et conduit à la fermeture de la banque et de sa consoeur Signature.

Toute la chaîne de décision, depuis la banque jusqu’aux régulateurs, est en réalité fautive, pointe le rapport d’inspection de la Fed, publié après les premières leçons présentées par les régulateurs au Congrès. Les dirigeants de SVB « n’ont pas su gérer les risques de base liés aux taux d’intérêt et aux liquidités. Son conseil d’administration n’a pas supervisé les dirigeants et ne leur a pas demandé de rendre des comptes. Et les superviseurs de la Réserve fédérale n’ont pas pris de mesures suffisamment énergiques », expose le rapport de près de 120 pages , rédigé par le vice-président de la Réserve fédérale chargé de la supervision, Michael Barr.

« Développer une culture » différente

Comme souvent dans une crise, c’est une conjonction de faits inédits qui a mené à l’accident, et que retrace la Réserve fédérale : la banque a grandi très vite, conservant le bénéfice d’une surveillance plus sommaire ; son modèle reposait sur une base de clients concentrée (start-up), dotée de dépôts très majoritairement non assurés ; hyperconnectée, sa communauté a utilisé tous les outils numériques (réseaux sociaux et retraits en ligne), créant un effet de contagion.

« Nous devons développer une culture qui permette aux superviseurs d’agir face à l’incertitude. Dans le cas de la SVB, les superviseurs ont tardé à passer à l’action pour rassembler davantage de preuves, alors même que les faiblesses étaient évidentes et s’aggravaient », pointe le rapport.

SVB, dont la taille de bilan approchait le seuil des 250 milliards d’actifs imposant une surveillance renforcée, avait bénéficié de l’assouplissement des règles accordé sous l’administration Trump aux banques plus petites. « Il est approprié d’appliquer des normes plus strictes à un plus grand nombre d’établissements », juge désormais le rapport d’inspection, qui prévoit « de réévaluer une série de règles pour les banques dont les actifs s’élèvent à 100 milliards de dollars ou plus ».

« Pas effectif avant plusieurs années »

Les préventions du rapport, qui suggère notamment de revoir les règles et les exigences en matière de liquidité, démontrent en même temps toute la difficulté de l’exercice à venir : « tout ajustement de nos règles en matière de liquidité serait, bien entendu, soumis à la procédure normale de notification et avec les règles de transition appropriées, et ne serait donc pas effectif avant plusieurs années », pointe Michael Barr. Des délais et des transitions qui ont justement, dans le cas SVB, contribué à laisser les rênes souples à la banque californienne.

Les pertes non réalisées (sur les portefeuilles obligataires) devraient aussi être mieux prises en compte, suggère le rapport, pour aligner les fonds propres exigibles sur les risques encourus. Mais ce sont là aussi des changements qui nécessiteraient aussi plusieurs années de mise en oeuvre, reconnaît-il.

Parmi les pistes de réforme de plus court terme, Michael Barr cite quelques démarches déjà en cours, comme « l’examen holistique de notre cadre de fonds propres, la mise en oeuvre des règles de Bâle III, l’utilisation de scénarios multiples dans les tests de résistance, et une règle sur la dette à long terme pour améliorer la résilience et la capacité de résolution des grandes banques ». La Réserve fédérale soumettra « prochainement » ces propositions à commentaire, indique-t-elle. Les autres mesures, plus directement liées aux leçons de la faillite SVB pourraient suivre, « plus tard ».



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